Elise Bernard, docteur en droit public et enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur Euradio les implications concrètes de l'État de droit dans notre actualité et notre quotidien. Ses analyses approfondies, publiées sur la page Europe Info Hebdo, offrent un éclairage précieux sur ce pilier fondamental de l'Union européenne.
L’état de droit c’est aussi la justice qui s’applique aux Etats membres de l’Union européenne et là, avec la décision du 29 avril 2025, l’occasion est donnée de donner un sens profond à la citoyenneté européenne.
En effet Laurence, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt majeur dans l’affaire opposant la Commission européenne à Malte.
La Commission reproche à l’Etat membre de prévoir la possibilité d’acquérir ce que l’on appelle des passeports dorés.
Voilà, les juges de Luxembourg qualifient cette possibilité de régime de citoyenneté ‘par investissement’ , et cela est contraire au droit de l’Union européenne.
C’est au niveau de la législation de l’Etat membre que cela se décide d’abord n’est ce pas ?
Oui, les Etats membres sont souverains par principe pour déterminer qui peut disposer d’un droit de séjour voire d’acquisition de la nationalité. Précisément, en 2020, Malte a adopté une législation établissant des règles détaillées pour l’acquisition de la « citoyenneté maltaise par naturalisation pour services exceptionnels par investissement direct ».
Cela signifie que dans le cadre de ce régime, les investisseurs non européens peuvent demander à être naturalisés maltais s’ils remplissent un certain nombre de conditions, principalement de nature financière.
C’est cela. Et la Commission européenne soutient que ce régime accordant la naturalisation en échange de paiements ou d’investissements prédéterminés à des personnes – sans lien réel avec Malte – constitue une violation des règles relatives à la citoyenneté de l’Union et du principe de coopération loyale.
C’est sur ce fondement qu’elle a engagé une action contre cet État membre devant la Cour de justice.
Et la Cour donne raison à la Commission. En établissant et en exploitant un régime de citoyenneté par investissement, Malte procède à une commercialisation de l’octroi de sa nationalité d’un État membre et, par extension, de la citoyenneté de l’UE.
Malte a donc enfreint le droit de l’UE avec ses passeports dorés et trahi le principe de citoyenneté européenne.
Ce que l’on comprend, c’est que la citoyenneté de l’Union incarne une solidarité fondamentale entre les États membres, basée sur un ensemble d’engagements réciproques. Vendre une telle citoyenneté ne permet pas d’établir le lien nécessaire de solidarité et de bonne foi entre un État membre et ses citoyens, ni d’assurer la confiance mutuelle entre les États membres.
C’est d’autant plus gênant que, dans les faits, on estime que près de 1000 passeports dorés ont été accordés et dans une mesure significative à des citoyens russes.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.