L'état de l'État de droit - Elise Bernard

L'UE et le respect des États envers leurs engagements en matière du droit à un environnement sain

L'UE et le respect des États envers leurs engagements en matière du droit à un environnement sain

À propos d’Elise Bernard : Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque semaine les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.

L'État de droit, c’est faire en sorte que les États respectent leurs engagements en matière du droit fondamental à un environnement sain, on l’a déjà vu, mais comment les institutions de l’UE peuvent rappeler à l’ordre les États membres ?

Oui, on sait que l’UE est pionnière, dans le monde, en matière de promotion de droit à un environnement sain. Et pas seulement parce qu’elle rédige des textes, mais parce qu’elle dispose de moyens pour les faire appliquer.

Mais alors sur quelle base les États membres peuvent se voir reprocher des manquements ?

Prenons l’exemple de la directive sur l'eau potable de 1998. Ce texte est pionnier, donc, il vise à protéger la santé contre les effets nocifs de la contamination des eaux destinées à la consommation. Pour cela, les États membres doivent atteindre les objectifs posés dans la directive en adoptant la législation adéquate pour garantir la sécurité et la propreté de l’eau décidé au niveau de l’Union.

L’exigence est ancienne, en quelque sorte, mais elle est surtout de plus en plus exigeante !

Bien sûr, depuis 1998, les ambitions sont à la hausse, c’est pour cela que l’on parle de plus en plus de droit fondamental à un environnement sain. Le Green Deal, en particulier, fixe une ambition zéro pollution ce qui contrevient au fait qu’une partie de l’eau potable distribuée, en France notamment, contient des quantités excessives de nitrates.

Ah, mais alors quand on constate cela, que peut faire l’Union pour obliger la France à agir.

Dans ce cas précis, la Commission européenne, gardienne des traités, a envoyé une lettre de mise de demeure, en octobre 2020. Elle constate qu’après cette mise en demeure, la France a pris des mesures pour certaines unités de distribution, mais une partie de l'eau potable actuellement distribuée ne respecte toujours pas la valeur limite applicable aux nitrates.

La France ne respecte donc toujours pas la directive eau potable.

En effet, pas exactement, puisque les objectifs posés par la directive, renforcés par le Green Deal, ne prévoient pas d’exception. Même s’il ne s’agit que de quelques cas, le droit en la matière est exigeant.

C’est logique si on veut être cohérent avec nos grandes déclarations environnementales.

Exactement, c’est une priorité donc la Commission a adressé un avis motivé à la France, qui dispose à présent d'un délai de deux mois pour répondre aux manquements qui persistent et prendre les mesures nécessaires.

Et si rien ne passe ?

La Commission peut saisir la Cour de justice de l'UE pour ce que l’on appelle une procédure en manquement. Si le juge constate que l'État membre concerné n’a pas correctement justifié sa non-conformité aux objectifs fixés dans la directive, l’État devra payer une somme forfaitaire et/ou une astreinte jusqu’à adoption des mesures attendues par la Commission.

Donc ça, c’est le pouvoir de sanction judiciaire de l’UE qui pousse à mettre fin au manquement d’un des États membres, après un dialogue Commission État demeuré infructueux.

Exactement, c’est simple finalement la procédure judiciaire européenne.

Entretien réalisé par Laurence Aubron.