Les sols, merveilles invisibles

Les Mycorhizes - Partie 2

© INRAe - ClaudePlassard Les Mycorhizes - Partie 2
© INRAe - ClaudePlassard

Dans ces chroniques, euradio vous propose de creuser et d'observer tout ce que les sols ont à nous offrir. Avec Tiphaine Chevallier, chercheuse à l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD).

Bonjour Tiphaine, on continue sur les mycorhizes, aujourd’hui ?

Vous vous souvenez de l’épisode précédent ? Les mycorhizes ?

Association à bénéfices réciproques entre racines et filaments très fins de champignon.

C’est ça des hyphes mycéliens qui colonisent plus ou moins profondément les racines. Quand la colonisation est dans la cellule, ce sont les endomycorhizes que l’on trouve chez près de 80% des espèces végétales ; quand la colonisation est en en périphérie des cellules, ce sont des ectomycorhizes, qui se forment surtout chez les arbres. Ce sont les ectomycorhizes qui forment parfois des fructifications que l’on voit et que l’on peut ramasser si comestibles, comme la truffe par exemple. Bénéfices réciproques, vous vous souvenez de l’échange ?

Carbone, sucre pour le mycélium contre éléments nutritifs dont surtout le phosphore pour la plante.

Parfait, on peut continuer. Des chercheurs se sont demandés si ce réseau mycélien souterrain pouvait expliquer la diversité, la structure de forêt. L’étude a été réalisée en forêt tropicale où les sols sont particulièrement pauvres en phosphore disponible pour les plantes et pourtant indispensable pour leur croissance. Les mycorhizes améliorent l’exploration de ce sol et l’acquisition de cette ressources pour les plantes. Les chercheurs se sont aperçus que les 2 strates d’arbres, les grands arbres de plusieurs mètres de haut et en dessous les arbres et arbustes de moins de 2 mètres n’avaient pas le même type de mycorhizes.

Laissez- moi deviner les grands arbres ont des ecto et les petits des endomycorhizes ?

Tout juste. En plus les espèces ne semblent pas réparties au hasard mais sont sous forme de patch. Des expériences en pot montrent que les plantules profiteraient du réseau mycélien entretenus par les arbres adultes. Grâce à ce réseau, ces plantules sont moins sujettes aux champignons pathogènes. Ces expériences ont aussi montré que les plantules des grands arbres ectomycorhiziens peuvent assimiler du phosphore provenant de différentes formes de phosphores, minérales et organiques plus ou moins complexes, ce que ne peuvent pas faire les plantules d’arbres de la strate plus basse et colonisée par des myceliums endomycorhiziens. La co-existence de plantes appartenant à différents types de mycorhizes semblent favoriser le partage des ressources en phosphore, par l’accès à différentes formes de phosphore et ainsi favoriser la co-existence d’arbres de différentes espèces.

Ce réseau de l’ombre semble efficace.

Oui il a même été montré une certaine communication entre les arbres grâce à ce réseau mycorhizien souterrain. Schématiquement le mycélium pour conserver sa source de carbone via les racines mycorhizées, aideraient les plantes à se prévenir d’un stress par exemple l’herbivorie due à des insectes. Des molécules carbonées peuvent être véhiculées d’un arbre à l’autre, d’un arbre adulte à une plantule…Toutes sortes de choses ont été dites sur ce réseau mycorhizien. Comme tous les réseaux de l’ombre tentaculaire, il fait rêver et suscite un tas d’histoires.

Fausses ?

Disons plutôt exagérées, anthropomorphiques, un peu comme ce que je viens de faire… pour faire passer un message simple, parlant au plus grand nombre au risque de verser dans le faux. Comme on l’a vu ce réseau d’hyphes mycéliens fins de l’ordre du micromètre est fragile et difficile à étudier. Il y a de nombreuses espèces de champignons et il existe chez de très nombreuses espèces de plantes, car on s’est focalisé ici sur des arbres, mais des céréales aussi sont mycorhizées…. Enfin presque toutes les plantes, au moins 80%, sont mycorhizées, certaines sont même potentiellement mycorhizées par les deux types de mycorhizes. Autant dire que l’on ne connait pas encore tout de son fonctionnement. En attendant c’est bientôt noël, si vous avez la chance de partager quelques morceaux de truffes, magnifiques fructifications d’un champignon mycorhizien, pensez sinon à moi, à la vie riche et mystérieuse des sols !

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.