Chaque semaine, Quentin Dickinson revient sur des thèmes de l'actualité européenne sur euradio.
Cette semaine, Quentin Dickinson, vous voulez nous aider à nous défendre dans la cyberjungle…
Lorsque vous êtes personnellement mis en cause sur les réseaux sociaux, c’est-à-dire attaqué sans preuve ni fondement, et alors qu’au fil des heures, la rumeur s’étend et s’amplifie, vous n’aviez jusqu’à relativement récemment que trois options : ou bien, éviter de réagir et faire le gros dos ; ou bien, fermer vos comptes ; ou bien, vous lancer dans une cyber-contre-attaque d’autant plus vaine que vous ne saurez probablement jamais qui a lancé l’assaut et qui ne fait que le reproduire.
Mais vous laissez entendre qu’on peut désormais s’y prendre autrement…
Jusqu’ici, l’on partait du constat que les réseaux sociaux échappaient à tout encadrement ni règle de droit, au nom d’une interprétation - parfaitement dévoyée - de la liberté d’expression.
Cependant, deux éléments récents sont destinés à freiner les cyber-excès en tout genre.
Alors, quels sont ces éléments ?...
D’abord, il y a les lois que l’Union européenne met en œuvre pour définir et réglementer la cybersphère. L’ensemble législatif gouvernant désormais les services numériques dans l’UE comprend le Règlement sur les Marchés numériques (le DMA, qui vise essentiellement l’organisation des plateformes et autres fournisseurs) et le Règlement sur les Services numériques (le DSA, qui précise notamment les modalités de protection des consommateurs).
On ajoutera que le Royaume-Uni, autre acteur majeur du numérique, a adopté l’année dernière un texte comparable aux règlements européens, la Loi sur les Marchés numériques, la Concurrence, et les Consommateurs (le DMCCA).
Enfin, et de façon prévisible, ces dispositions sont critiquées à grands cris par les géants étatsuniens du numérique, fortement appuyés par Donald TRUMP. Nous aurons à reparler de ce dernier. Mais, patience.
Voilà pour ces nouvelles législations, mais vous faisiez mention de deux éléments – quel est donc l’autre ?...
L’autre, c’est tout simplement le recours au droit pénal existant. Il n’y a en effet aucune différence entre être diffamé dans la presse écrite ou sur un plateau de télévision et l’être dans la cybersphère. Jusqu’ici, les victimes reculaient devant le coût et la complexité de poursuites contre des inconnus, alors que souvent, la compétence du droit national n’était pas clairement établie ; mais dès lors que la responsabilité des plateformes est engagée, le jeu s’en retrouve bien moins faussé. Et nombre de victimes choisissent de s’engager dans des procédures qui, il y a dix ans, auraient été vouées à l’échec.
Vous avez des exemples, Quentin Dickinson ?...
Je n’en choisirai qu’un seul. Suivez-moi : en mars 2021, une Française, qui se décrit comme journaliste indépendante autodidacte, Mme Françoise REY, affirme sur Facebook avoir passé plusieurs années à enquêter sur Brigitte MACRON, et conclut que celle-ci est en réalité née de sexe masculin sous le nom de Jean-Michel TROGNEUX, et qu’au terme de nombreuses interventions chirurgicales, la voilà aujourd’hui femme transgenre.
En d’autres temps, personne n’aurait pris au sérieux cette affirmation, d’autant que Jean-Michel TROGNEUX existe bel et bien – c’est le frère de Brigitte MACRON.
Mais voilà : à la fin de cette année 2021, à ANGERS, Mme Delphine JEGOUSSE, qui sous le pseudonyme d’Amandine ROY, se dit voyante extra-lucide, diffuse sur YouTube une conversation longue de quatre heures avec Mme REY, laquelle confirme et amplifie ses dires.
En janvier 2022, Brigitte MACRON et son époux portent plainte ; le duo REY et ROY est condamné en première instance, relaxé en appel, et l’affaire est pendante en cassation.
Mais en attendant, l’affaire fait florès à l’étranger.
…et notamment aux États-Unis, Quentin Dickinson…
…aux États-Unis, où l’influenceuse Candace OWENS, proche de Donald TRUMP (encore lui), répercute l’infox auprès de ses quatre millions d’abonnés et publie même un livre. Mme OWENS n’est pas à un exploit près : elle aura mis en question la réalité du COVID, de l’Holocauste, de l’expédition de spationautes américains sur la Lune ; elle soutient aussi qu’Emmanuel MACRON est devenu Président de la République dans le cadre d’un programme secret qui permet à la CIA de contrôler à distance son cerveau.
Elle affirme également que Brigitte MACRON aurait dévoré son frère jumeau dans le ventre de leur mère.
Enfin, sachez que, pour 25,95 Dollars, vous pourrez lui acheter un maillot à l’effigie de Mme MACRON, décrite comme Première Dame-Homme de l’année. Délicat.
Logiquement, le 24 juillet dernier, le couple MACRON a engagé des poursuites contre Candace OWENS devant un tribunal américain. Lorsqu’il interviendra, le jugement – quel qu’il soit - fera date.
Ce n’est pas la première fois que des personnes connues sont accusées d’être des femmes transgenres…
Non. Y sont passées aussi Michelle OBAMA, Kamala HARRIS, et la Première ministre néozélandaise Jacinda ARDERN – mais pas uniquement. Voyez plutôt : en 2001, la jeune Élodie GOSSUIN est élue Miss France, puis Miss Europe. Elle est présentée au concours de Miss Univers. Comme sortant de nulle part, la rumeur qu’elle soit en réalité un homme apparaît soudain, et est reprise par nombre de journaux américains et même par le plutôt sérieux Daily Telegraph britannique. Mlle GOSSUIN est enfermée par les organisateurs, on envisage de lui faire subir une expertise gynécologique devant caméra ; elle finira tout-de-même parmi les finalistes.
Le propriétaire de l’organisation du concours Miss Univers lui apprend alors en riant que tout était monté par lui pour assurer la plus grande publicité gratuite à l’événement.
Le nom de cet homme d’affaires ? Donald TRUMP.
Un entretien réalisé par Laurent Pététin.