Chaque semaine, Quentin Dickinson revient sur des thèmes de l'actualité européenne sur euradio.
Cette semaine, QD, vous êtes inspiré par un à-côté du Brexit, c’est cela ?...
Le 23 juin 2016, par référendum, les électeurs britanniques ont voté majoritairement en faveur du retrait de leur pays de l’Union européenne. Le 31 janvier 2020, à l’issue d’âpres négociations, le Brexit entrait en vigueur.
C’est certainement regrettable, mais pourquoi revenir sur une décision qu’une majorité de Britanniques regrette aujourd’hui ?...
C’est que les accords euro-britanniques de l’époque ont visé à régler l’essentiel, en prenant discrètement le pari que tout ce qui paraissait de moindre importance se règlerait de soi-même par la suite. Or, aujourd’hui, on se met à constater des lacunes, qui se rappellent périodiquement à notre attention. Et l’une de celles-ci est de taille.
De quoi s’agit-il ?...
Il s’agit d’une colonie de la Couronne britannique, entièrement enclavée dans le territoire d’un pays-membre de l’Union européenne, ce qui ne posait aucun problème tant que le Royaume-Uni était membre de celle-ci. Mais depuis le Brexit, rien n’est réglé, et les négociations piétinent.
Ce bout de terre britannique à 2.400 kilomètres de LONDRES, c’est le Rocher de GIBRALTAR, objet d’une perpétuelle querelle de souveraineté entre Britanniques et Espagnols.
Or, à ce jour, MADRID persiste à réclamer la restitution du Rocher.
…sans y parvenir ?...
En effet. En trois siècles, GIBRALTAR a été attaqué ou assiégé une dizaine de fois. Et, à chaque fois, en vain. Car ce mont massif de 426 mètres de haut a toujours servi de place-forte militaire, de base navale, et de batterie d’artillerie côtière. La masse rocheuse est parcourue d’un dédale de cinquante kilomètres de galeries, en partie naturelles, propices à la défense du lieu, effectivement inexpugnable, comme le proclame d’ailleurs la devise du territoire.
Le seul problème de GIBRALTAR, c’est sa taille : un peu moins de sept kilomètres carrés. Cela crée des contraintes : ainsi, les pistes de l’aéroport, à la fois civil et militaire, sont-elles construites sur une digue artificielle, qui coupe d’ailleurs la route principale, laquelle est fermée à chaque décollage ou atterrissage.
Mais de nos jours, les Espagnols ont renoncé à conquérir le territoire par la force, non ?...
A le reprendre militairement, c’est le cas ; mais l’Espagne, sous le régime autoritaire du Généralissime FRANCO, aura tout-de-même imposé une fermeture totale de la frontière terrestre, dans les deux sens, de 1969 à 1985, assortie d’une interruption des télécommunications terrestres.
Et aujourd’hui ?...
Aujourd’hui, GIBRALTAR est un endroit curieux et attachant, avec son mélange de paella et de fish-and-chips, sa population tellement anglaise, mais en réalité représentative de toutes les migrations de la Méditerranée orientale depuis vingt siècles.
GIBRALTAR ne présente plus beaucoup d’intérêt pour les militaires, et la garnison est aujourd’hui réduite, remplacée par des institutions financières.
Les Accords dits de Noël en 2020 ont ouvert la voie à des négociations, mais ni LONDRES, ni MADRID, paraissent en faire une priorité. Les autorités gibraltariennes non plus, à la tête qu’elles sont d’un territoire particulièrement prospère, qui avoisine une partie plutôt défavorisée de l’Andalousie, fournisseur de main-d’œuvre frontalière.
En dehors de l’insistance périodique des Espagnols à vouloir tamponner les passeports des ressortissants de pays hors-UE, à la ligne de démarcation, on a clairement l’impression que les contrôles, assez bon enfant, des personnes et des marchandises, témoignent de ce que personne n’a vraiment intérêt à bousculer le statu quo – même s’il constitue une violation flagrante du Brexit.
Pour mémoire, lors du référendum de 2016, l’on a enregistré 19.392 voix contre, et seulement 823 voix pour le Brexit.
Un vieux dicton affirme que GIBRALTAR cessera d’être britannique lorsqu’il n’y aura plus de singes courant en liberté sur le Rocher. Au dernier décompte, il y en a encore plus de trois cents.
Une interview réalisée par Laurence Aubron.