Chaque semaine, Quentin Dickinson revient sur des thèmes de l'actualité européenne sur euradio.
Cette semaine, Quentin Dickinson, vous nous emmenez de l’autre côté de la Manche…
…car aujourd’hui, cela fait exactement neuf ans et quatre mois depuis le référendum au Royaume-Uni qui, par 51,9 % des votants, a précipité la sortie du pays de l’Union européenne. La participation aura été de 72,2 %.
Vendu par ses promoteurs comme un salutaire renoncement à la réglementation européenne, inutilement complexe et confiscatrice de souveraineté, le Brexit aura dans les faits ouvert la voie à une période de recul économique général sur fond d’instabilité politique, sans précédent depuis 1945.
Certes, mais les Britanniques en sont-ils enfin aujourd’hui parvenus à se rendre compte de leur bévue historique ?...
Depuis plusieurs années, c’est ce que révèlent de façon croissante les sondages : les plus récents chiffrent à 56 % de la population adulte celles et ceux qui tiennent le Brexit pour une grave erreur, contre 31 % qui continuent à estimer que c’était une mesure positive. Ce sont l’accroissement du coût de la vie et l’économie en général qui sont le plus souvent cités parmi les conséquences négatives du Brexit – bref, une très nette majorité de cette nation de footeux est d’avis qu’ils ont magnifiquement marqué un but contre leur propre camp.
Justement, il serait intéressant de savoir qui les Britanniques rendent responsables du désastre…
Là aussi, les chiffres parlent d’eux-mêmes : pour 88 % des Britanniques, c’est le Parti conservateur, suivi de peu par Boris JOHNSON, lui-même talonné par Nigel FARAGE.
Avec le recul, on peut aussi s’interroger sur le cofinancement de la campagne pro-Brexit par des milieux d’affaires britanniques en lien avec la Russie – mais on ne se posait pas encore ce genre de question à l’époque.
Vous évoquiez à l’instant l’instabilité politique provoquée à Westminster par le Brexit – où en est-on aujourd’hui ?...
Le Brexit aura coûté leur poste à pas moins de cinq chefs de gouvernement : le totalement inconscient David CAMERON, la trop subtile Theresa MAY, le dangereusement inapte Boris JOHNSON susnommé, la gravement incompétente Liz TRUSS, et le perpétuellement hésitant Rishi SUNAK, tous issus du Parti conservateur.
Sans surprise, aux législatives de l’an dernier, ce parti – pourtant celui de DISRAELI et de CHURCHILL – a été balayé par un raz-de-marée travailliste, emmené par l’actuel Premier ministre, Sir Keir STARMER.
La sanction de la gestion post-Brexit aura été sans appel : la Chambre des Communes compte désormais 411 travaillistes, contre 121 conservateurs, 72 libéraux-démocrates… et, parmi d’autres, 5 élus de Reform, le nouveau parti de Nigel FARAGE.
On ne comprend pas bien : on reproche à ce FARAGE d’avoir activement contribué à la victoire du Brexit, et, dans le même temps, sa popularité ne se dément pas ?!?...
C’est en effet étonnant – sauf à ne pas constater que cette habile girouette populiste a confisqué à son bénéfice le trumpisme à la sauce anglaise : sur l’immigration et le coût du panier de la ménagère, il se montre tonitruant en dénonciations et discret en solutions. C’est la recette idéale pour se hisser en tête des sondages, en face de M. STARMER, juriste prudent qui aura tardé à se couler dans le moule de chef de gouvernement, et qui maîtrise difficilement sa très large majorité parlementaire.
On notera toutefois qu’il aura tout récemment sauté un pas (périlleux) en reconnaissant officiellement que le Brexit avait été une erreur, contre l’avis de nombre de ses députés.
Quels sont les rapports de M. FARAGE avec le Parti républicain américain ?...
D’un mot, ils sont excellents. On aperçoit FARAGE à la Maison-Blanche, le revoilà à Mar-a-Lago. Donald TRUMP le cajole, et JD VANCE, qui ne manque jamais une occasion de casser de l’européen, le complimente régulièrement pour sa vigoureuse omniprésence médiatique.
Tout cela contribue à la préoccupation croissante dans les chancelleries européennes : d’abord, parce que l’on se dit qu’un Boris JOHNSON, cela suffit, et que l’on ne voudrait pas d’un nouveau bouffon grande-gueule au 10, Downing Street.
Mais l’on redoute aussi la confluence de l’idéologie trumpiste et des menées subversives du Kremlin, objectivement davantage complémentaires que rivales, dès lors qu’il s’agit de saper les fondements de la démocratie et de l’État de droit dans les pays européens. Aucune élection n’en est désormais à l’abri.
Et, pour les Britanniques, les prochaines législatives se tiendront au plus tard le mercredi 15 août 2029 – ou avant.
Pas besoin de vous faire un dessin.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.