L'édito européen de Quentin Dickinson

TRUMP, et après ?...

Photo de Tim Gouw - Pexels TRUMP, et après ?...
Photo de Tim Gouw - Pexels

Chaque semaine, Quentin Dickinson revient sur des thèmes de l'actualité européenne sur euradio.

Cette semaine, QD, vous allez enfin nous entretenir de l’élection de Donald TRUMP…

Il me paraissait en effet prudent d’attendre que la poussière soit quelque peu retombée avant de se risquer au jeu des pronostics quant aux effets éventuels, voire probables, de ce nouveau mandat présidentiel de Donald TRUMP.

Il n’empêche : il circule en Europe nombre d’idées clairement fausses sur le fonctionnement de la démocratie à l’américaine.

Par exemple ?...

…par exemple, la référence persistante à l’Administration TRUMP, dont de nombreux commentateurs de ce côté-ci de l’Atlantique oublient de signaler que le mot administration en anglais nord-américain ne signifie pas autre chose que gouvernement en français – et donc, le voudrait-il, M. TRUMP ne peut licencier l’ensemble des deux millions huit cent mille fonctionnaires fédéraux ; il ne peut d’ailleurs en nommer directement lui-même qu’un peu moins de 1.500, dont les deux-tiers requièrent en sus l’aval du Sénat.

Par conséquent, il faut bien comprendre que le poids de l’administration (au sens français du terme) constitue un contrepoids de bon sens, de modération, et d’orthodoxie juridique propre à endiguer les imprévisibles foucades de leur Président.

Mais ses collaborateurs s’expriment déjà dans les médias de façon tranchée sur les premières décisions de leur patron, une fois revenu à la Maison blanche, donc on a déjà des indications, non ?...

Pas vraiment. En ce moment, l’entourage, la famille, l’ex- entourage, les bailleurs de fonds de la campagne s’invitent partout dans les médias, histoire de démontrer qu’ils comptent toujours et que le futur Président des États-Unis ne pourra se passer de leurs si avisés conseils.

Franchement, ce n’est pas très efficace, puisque M. TRUMP sait depuis longtemps qui seront ses proches collaborateurs, d’autant que l’intéressé déteste que ceux qui lui doivent tout aillent raconter en ville que ce sont eux qui ont créé Donald TRUMP.

Il se dit que les climatosceptiques seront aux commandes à la Maison-blanche – vous confirmez ?...

Je confirme qu’il y en aura, mais je ne sais pas quelle sera leur influence réelle. En attendant de la découvrir à l’épreuve de l’exercice du pouvoir, on peut noter de leur part une nouvelle petite musique insidieuse, sur le thème l’Homme ne sera jamais plus fort que Mère Nature, donc ne perdons pas notre temps à changer nos sources d’énergie ni nos comportements personnels.

En revanche, ce qui est certain - même si le XXIIe Amendement de la Constitution des États-Unis limite à deux le nombre de mandats qu’une même personne puisse exercer en qualité de Président - l’impact et les conséquences de l’ère TRUMP lui survivront pendant plusieurs décennies.

Comment cela ?...

D’abord, parce que M. TRUMP a remporté la présidentielle à la fois chez les grands électeurs et par le vote populaire, ce qui proclame sa légitimité ; de plus, la majorité de chacune des deux chambres du Congrès est à sa botte, ce qui assoit sa liberté d’action. Et, à plus long terme, la majorité plutôt réactionnaire de la Cour suprême, dont les membres sont nommés à vie, garantit un cadre jurisprudentiel obligatoire et durable.

Mais l’héritage incontestable, même à le trouver détestable, des années TRUMP, c’est d’avoir profondément scindé toutes les classes de la société étatsunienne en deux groupes qui ne partagent rien, si ce n’est le goût de propos et d’actes marqués par la violence et l’invraisemblance, le complotisme et l’intolérance, la foi quasi-messianique dans le bien-fondé de leur vérité. Leur guérison n’est assurément pas pour demain.

Vous ne dites rien de l’économie, QD ?...

Si, j’y venais justement.

M. TRUMP est un personnage transactionnel dans la stratégie et transgressionnel dans la tactique – autant dire qu’il ne croit nullement aux institutions internationales ni au dialogue diplomatique permanent.

Ceci le conduit à une périlleuse sous-évaluation des circuits économiques. Son intention se résume à frapper toute importation aux États-Unis de droits d’importation prohibitifs, convaincu qu’il est que cela créera des emplois chez lui, que les industriels chinois, européens, japonais et autres seront obligés de délocaliser leurs usines vers les États-Unis, et que le monde entier achètera des produits américains.

Or, ce n’est pas comme cela que fonctionne le commerce international.

Les Chinois, comme les Européens, ne manqueront pas d’imposer en riposte des droits de douane à l’importation chez eux d’articles ou d’équipements d’origine étatsunienne – y compris s’agissant de matériel militaire.

D’autre part, toute surchauffe de l’économie aux États-Unis entraînera une hausse des salaires, et donc de la demande, et donc de l’inflation qui reste le seul indicateur économique perçu au quotidien par les consommateurs.

Cumuler le risque économique et le risque électoral, voilà au moins une bien curieuse voie à suivre.

Alors, pour actualiser le célèbre constat du prédécesseur Bill CLINTON, It’s globalization, stupid ! C’est la mondialisation, crétin !...

Une interview réalisée par Laurence Aubron.