Comme toutes les semaines, nous retrouvons Albrecht Sonntag, professeur à l’ESSCA Ecole de Management, à Angers, qui revient aujourd'hui sur l'examen de la présidence allemande du Conseil de l'UE.
C’est la saison des examens intermédiaires en milieu du semestre, et c’est donc tout naturellement que vous procédez à une première évaluation de la présidence allemande du Conseil de l’Union européenne.
Oui, c’est un semestre un peu particulier, avec des exercices inouïs pour l’Etat-membre qui se voit chargé d’assumer la présidence tournante durant six mois.
Avant de passer à l’évaluation, rappelons rapidement qu’il s’agit tout de même d’un exercice bien curieux.
Dépourvue d’un véritable pouvoir, cette présidence semestrielle n’en est pas moins dotée d’une certaine influence. Car l’Etat-membre concerné est censé se démener pour élaborer des compromis et trouver des solutions à des blocages, ce qui met ses leaders politiques, ses diplomates et fonctionnaires au centre du jeu. Et cela permet de peser sur l’agenda, de mettre en avant certains sujets qu’on souhaiterait faire avancer.
En même temps, cela met la pression ! Car il s’agit de se montrer à la fois capable et soucieux d’œuvrer pour le bien commun de l’Union. Il y a toute une réputation qui se joue durant ses six mois. Et les médias, les ONG, les groupes d’intérêt ne se gênent pas d’étaler des lacunes ou des manquements au grand jour.
Or, le deuxième semestre 2020, nous le vivons tous au jour le jour, n’est pas une période comme les autres. Et à titre personnel, je n’ai pas souvenir d’une présidence autant chargée d’attentes et d’espoirs que celle qui est tombée sur l’Allemagne en ce moment.
Et alors, comment se dépatouille-t-elle ? Là, on est à mi-chemin. L’Allemagne est-elle en train de réussir son semestre ?
Justement, nous avons procédé, mardi soir, lors d’un webinar public, à un genre d’examen intermédiaire des efforts déployés par la présidence. J’ai demandé à quatre experts de renom de faire une évaluation de mi-semestre, chacun dans un domaine de compétence bien précise. Et je vous donne en exclusivité mondiale le bulletin de notes qui en est sorti.
Le premier à se prononcer a été Sébastien Maillard, directeur de l’Institut Jacques Delors, qui s’est penché sur l’avancement du plan de relance « Next Generation EU », et le débat sur le prochain cadre financier pluriannuel. Il a octroyé 15 sur 20 à l’Allemagne, notamment pour son effort et son implication dans la mise en œuvre compliquée d’un plan qui lui a imposé une révolution culturelle. C’est une note intermédiaire, elle peut encore grapiller des points d’ici la fin de l’année.
Dans la deuxième matière, le nouveau pacte proposé sur une politique de migration plus solidaire, Gwénola Sebaux, professeure à l’Université Catholique de l’Ouest, tout en reconnaissant les dilemmes inhérents à ce dossier plus que délicat, a considéré que la présidence allemande avait soumis sa copie trop tard pour espérer pouvoir la boucler avant Noël. Ce qui lui a valu une note de 13 sur 20 seulement, malgré sa crédibilité sur le sujet.
Crédibilité qui est moindre dans sa promotion du « European Green Deal ». Jens Althoff, directeur du bureau parisien de la Fondation Heinrich-Boell, ne lui a accordé pas plus de 12 points sur 20. Selon lui, elle est en train de rater le coche en hésitant à conditionner l’argent qui sera dépensé dans le cadre du plan de relance davantage aux objectifs du pacte vert. Et elle ne fait pas non plus tous ses devoirs à la maison, comme on pourrait attendre d’un premier de la classe.
Finalement, 12 sur 20 aussi de la part de Jörn-Carsten Gottwald, professeur à l’Université de la Ruhr et expert des relations avec la Chine. S’il reconnaît à l’Allemagne d’avoir impulsé un changement d’attitude envers la Chine sur le plan européen, il constate aussi les hésitations à adopter une position plus dure et la relative impuissance face à la nouvelle agressivité du pouvoir chinois.
Il est sévère, votre conseil de classe, dans l’ensemble ! Ce sont quand même de gros dossiers qui sont sur la table !
Pas faux. La charge de travail est peut-être un peu surdimensionnée ce semestre. A la limite, il faut presque se féliciter qu’elle tombe sur l’étudiante avec les épaules les plus larges. D'autant que le jury était unanime à constater que les résultats de cette présidence et les orientations qui en découleront engagent non seulement l'avenir de l'étudiante en question, mais de toute la classe.
Image: athree23