L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde » sur euradio cherche à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.
Cette chronique a été initiée et proposée par Justin Horchler, étudiant à Sciences Po Bordeaux, en 2023-2024 et est désormais animée par Ani Chakmishian.
Pour cette chronique, on plonge dans le cœur de l’actualité internationale avec les résultats des élections américaines et leurs conséquences pour l’Europe. Trump est de retour à la présidence des États-Unis. Que signifie cette victoire pour les relations transatlantiques et surtout pour l’Union européenne ?
Eh bien, cette victoire de Trump crée une onde de choc en Europe, et notamment en France. Personne ici ne se fait d’illusions : avec Trump, l’Europe devra compter sur elle-même bien plus qu’avant. Cette élection relance l’urgence d’une Europe plus forte, plus indépendante en matière de défense et de stratégie.
Et justement, Emmanuel Macron n’a pas attendu pour réagir ?
Absolument. Avant même l’annonce officielle des résultats, Macron a félicité Trump en ligne. Mais attention, il ne s’agit pas d’une simple formalité diplomatique. Le message est clair : la France et l’Europe vont travailler avec les États-Unis, mais défendront d’abord leurs propres intérêts et valeurs. Macron s’est même entretenu avec le chancelier allemand Olaf Scholz pour souligner l’importance d’une Europe « plus unie, plus souveraine ». L’objectif ? Construire une Europe qui peut se défendre, même en l’absence de soutien américain.
Justement, cette Europe plus « autonome » dont parle Macron, ça veut dire quoi, concrètement ?
Concrètement, cela veut dire renforcer l’autonomie stratégique de l’Union. Ce terme revient beaucoup aujourd’hui : il s’agit pour l’Europe de pouvoir défendre ses propres frontières, ses intérêts, sans dépendre entièrement des États-Unis. Macron et Scholz veulent se poser en leaders de cette démarche. D’ailleurs, cette après-midi, les ministres de la Défense français et allemand, Sébastien Lecornu et Boris Pistorius, se rencontrent à Paris pour discuter de ce renforcement stratégique commun.
Et comment réagissent les autres dirigeants européens ? Est-ce qu’ils soutiennent cette vision ?
Eh bien, certains dirigeants sont prudents, notamment les pays de l’Est, qui voient toujours les États-Unis comme le pilier de leur sécurité. Mais face au retour de Trump, beaucoup s’accordent à dire qu’il faut éviter toute dépendance excessive. En fait, il y a un consensus : la défense européenne ne doit plus reposer sur la seule garantie américaine, surtout avec un président comme Trump qui a déjà critiqué l’OTAN par le passé et qui préfère des alliances « à la carte » avec des partenaires comme la Hongrie de Viktor Orbán.
Justement, Viktor Orbán, le Premier ministre hongrois, semble se réjouir de cette victoire. Qu’est-ce que cela signifie pour l’Europe ?
Oui, on peut dire qu’Orbán a célébré cette élection comme une victoire personnelle. Il voit en Trump un allié précieux, un leader qui partage son rejet des élites européennes et son opposition à l’immigration massive. Je rappelle qu’il a même adapté le slogan de Trump, parlant de « Make Europe Great Again ». Ça ne manque pas de créer des tensions au sein de l’UE, d’autant plus qu’Orbán se pose comme une sorte de « médiateur » non-officiel entre la Russie et les États-Unis sur la question ukrainienne.
D’ailleurs il accueille le sommet européen cette semaine en Hongrie.
Tout à fait. Orbán reçoit les dirigeants européens à Budapest dans une ambiance assez tendue, car il a multiplié les « provocations » diplomatiques récemment, avec notamment sa proximité affichée avec la Russie. Certains dirigeants européens souhaitent en profiter pour lui faire passer un message direct. Mais la priorité est avant tout de ne pas laisser Orbán imposer sa propre vision et de maintenir l’unité européenne malgré ses divergences.
Donc, pour les Européens, ce retour de Trump à la Maison-Blanche, c'est un vrai défi ?
Exactement. Avec Trump, l’Europe doit prendre en main sa propre sécurité et autonomie. Ce que l’on voit se dessiner, c’est une Europe qui ne peut plus simplement compter sur son allié américain pour gérer les crises internationales, mais qui doit aussi renforcer son rôle dans les grands enjeux de sécurité et de défense. Cela pourrait bien devenir un tournant majeur pour l’Union européenne sur la scène mondiale.
Une interview de Laurence Aubron.