Aujourd’hui en Europe

Aujourd'hui en Europe - Vendredi 11 septembre 2020

Aujourd'hui en Europe - Vendredi 11 septembre 2020

Bonjour à tous, bonjour Victor ! Je vous propose d’ouvrir cette édition en évoquant la question des pesticides. Une récente enquête publiée par Public Eye, une ONG suisse et la branche anglaise de Greenpeace, vient tout juste de sortir. Que contiennent ces révélations ? 

V – Bonjour Thomas les conclusions de ce rapport sont assez détonantes. On y apprend ainsi que des entreprises exportent depuis l’Europe des pesticides que l’Union européenne interdit sur son sol. Ces produits sont interdits en raison des risques graves qu’ils font courir pour la santé ou pour leur impact délétère sur l’environnement. Pour l’année 2018, on parle d’environ 81 000 tonnes de pesticides hautement toxiques qui ont été vendus principalement dans des pays en développements, où les régulations sont moins strictes. En tête, nous avons le Royaume-Uni, l’Italie, les Pays-Bas, l’Allemagne, la France, la Belgique et l’Espagne, qui totalisent ensemble 90% des exportations. 

T – Pouvez-vous nous dire quels sont les produits qui sont exportés ? 

V – Une quarantaine de produits interdits sont ciblés dans le rapport. En tête des exportations, l’ONG Public Eye identifie le « paraquat » vendu par le groupe suisse Syngenta qui compte pour plus d’un tiers des exportations. Interdit depuis 2007, il peut même à faible dose entraîner la mort et une exposition chronique peut favoriser le développement de la maladie de Parkinson. 

Dans ce sinistre tableau on trouve aussi par exemple le dichloropropène, lui aussi banni en 2007 et considéré comme un cancérogène probable. Ou encore, l’atrazine, cancérigène lui aussi et qui contamine les nappes phréatiques. Il est interdit à l’utilisation depuis 2003 mais est produit en France pour l’exportation.

T – Cela j’imagine Victor ne va pas sans poser déjà de graves problèmes éthiques. Le paradoxe c’est aussi que l’Union européenne importe des denrées produites dans des pays où ces pesticides sont utilisés. 

V – Exactement ! L’interdiction de ces produits en Europe est donc annulée par toutes les importations qui viennent des Etats-Unis, du Brésil ou encore de l’Ukraine. Ces trois pays sont les plus grands importateurs de pesticides interdits mais sont également ceux qui exportent le plus vers l’Europe. Finalement, les mesures prises par l’Union européenne n’empêchent pas que ces produits finissent dans l’assiette des citoyens européens. 

T –Malgré ce tableau accablant avance t-on dans la lutte contre ces pratiques controversées ?

V – Pas vraiment malheureusement. L’ONU avait, en juillet dernier, appelé l’Union européenne à tout mettre en œuvre pour cesser de vendre ces pesticides. Malgré tout, l’Union continue à approuver les exportations.

La France, le 5e exportateur en Europe de ce type de pesticides, a décidé d’arrêter cette pratique à l’horizon 2022. Le conseil constitutionnel a validé l’interdiction en janvier 2020. Les Pays-Bas ont déclaré vouloir suivre l’exemple et promouvoir une interdiction partout en Europe.

T – Victor partons maintenant en Méditerranée si vous le voulez bien. L’île grecque de Lesbos abrite un nombre important de réfugiés et plusieurs incendies ont ravagé le plus grand camp de l’île. Quel est le bilan sur place ?

V – Oui Thomas, c’est absolument terrible. Le camp de la Moria a brûlé en totalité. Ce sont environ 13.000 migrants qui se retrouvent sans endroit où se réfugier. Le gouvernement grec privilégie la piste d’un incendie criminel. Les feux aurait été déclenché par des réfugiés en protestation contre le maintien de la quarantaine dans le camp. Stéphane Oberreit, de Médecins sans frontières a déclaré que le camp était une véritable bombe à retardement et qu’un tel drame aurait pu arriver à tout instant. Dans l’urgence, les autorités grecques ont pris des mesures particulières pour héberger les migrants les plus vulnérables, femmes et enfants. Heureusement, il n’y a jusqu’à maintenant pas de morts à déplorer. 

T – Cela a causé un grand émoi parmi la classe politique européenne. De nombreuses personnalités politiques ont exprimé leur soutien et demandé des mesures pour répartir les réfugiés victimes de ce sinistre sur le continent. Au-delà de ces déclarations, où en est vraiment la politique migratoire de l’Union européenne ?

V – Oui Thomas ce drame renvoie l’Union face à ses démons. Les ONG présentes sur place ont dénoncé la politique européenne qui consiste encore à garder les réfugiés dans des camps en bordure de l’Europe et qui maintient des conditions de vie extrêmement difficiles. 

La nécessité de répartir les réfugiés de manière au moins un peu plus équitable entre les Etats membres se fait plus pressante. D’ailleurs, cela fait plusieurs mois que la Commission doit proposer une réforme du système d’asile européen. Mais en pratique les choses trainent. L’Allemagne, qui a toujours mené le débat sur la question migratoire, répugne aujourd’hui à trop s’impliquer. La question constitue un enjeu électoral particulièrement risqué pour le parti de centre-droit de la chancelière allemande, Angela Merkel. 

Bonne nouvelle cependant suite au drame de Lesbos et ce tragique incendie, la chancelière allemande, et le président français ont annoncé l’initiative d’accueillir 400 mineurs du camp, dans l’espoir non dissimulé que d’autres pays européens suivent leur exemple.

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T - On termine par l’ancienne icône des droits de l’homme, Aung San Suu Kyi. Elle est aujourd’hui de facto dirigeante de la Birmanie même si elle n’a qu’un titre de conseillère d’Etat. Autrefois adulée elle est aujourd’hui largement déconsidérée et a été exclue du réseau du prix Sakharov par le parlement européen. Pouvez-vous nous dire d’abord ce qu’est le prix Sakharov ?

V –  Attribué par le parlement européen, le prix Sakharov récompense des personnalités ou des entités qui se battent pour les libertés fondamentales. Il fut créé en 1988 en l’honneur d’Andrei Sakharov, le scientifique et dissident soviétique qui milita pour les droits de l’homme dans l’URSS. Le premier lauréat fut Nelson Mandela. il y a eu aussi par exemple Leyla Zana, politicienne d’origine kurde emprisonnée en Turquie ou encore une association de journalistes biélorusses qui défendait la liberté d’expression. 

En 2019, le parlement a nominé l’économiste et dissident ouïgour Ilham Tohti, aujourd’hui en prison, qui avait critiqué les actions du régime chinois à l’encontre de la minorité ouïgour. 

T – Pourquoi avoir exclu Aung San Suu Kyi du réseau formé par tous les lauréats du prix ?

V – Il faut rappeler qu’Aung San Suu Kyi a été récompensée en 1980dix pour son militantisme non-violent contre la dictature militaire birmane. Elle avait été placée en résidence surveillée ou emprisonnée par le régime de 1990 à 2010. Elle était devenue un véritable symbole et avait bénéficié d’un important soutien de la communauté internationale. Elle a également reçu le prix Nobel de la paix en 1991. 

La raison de cette exclusion c’est que depuis son accession au pouvoir, elle est accusée de fermer les yeux voire même de cautionner  les persécutions commises à l’encontre de la minorité Rohingya. Cette minorité musulmane dans ce pays très majoritairement boudhiste a fait l’objet d’un véritable nettoyage ethnique les dernières années et certains spécialistes utilisent même le terme de génocide pour évoquer ce drame. Le Parlement considère qu’elle n’incarne plus les valeurs de libertés et démocratie et a été exclue de ce réseau qui rassemble tous les lauréats et des eurodéputés et qui défend les droits de l’homme dans le monde. 

Victor D'Anethan - Thomas Kox