Depuis lundi, le président français, Emmanuel Macron, est en visite d’état en Lituanie et en Lettonie ; la Hongrie et la Pologne projettent de créer un institut d’évaluation de l’Etat de droit ; face à la recrudescence des cas de covid 19, des manifestations sont apparues à divers endroits en Europe, montrant une certaine exaspération face à l’action des gouvernements.
Depuis lundi, le président français, Emmanuel Macron, est en visite d’Etat en Lituanie et en Lettonie. Cette visite, la première depuis celle de Jacques Chirac, s’inscrit dans la très mauvaise relation entre l’Union européenne et la Russie aujourd’hui. Les pays baltes ont une relation compliquée avec Moscou. Celle-ci s’est empirée depuis l’annexion de la Crimée en 2014, et aussi en raison des actions d’influence répétées du Kremlin en Europe. Dans quel contexte se déroule cette visite qui constitue un acte fort de la France dans la région?
Emmanuel Macron a débuté lundi une visite de trois jours. Lundi soir, il a rencontré les chefs d’Etats lituanien Gitanas Nausėda, et letton, Arturs Krišjānis Kariņš. Les trois chefs d’Etats ont appelé à la mise en œuvre de nouvelles mesures en matière de désinformation et de cybersécurité pour défendre les démocraties européennes. Ils ont également proposé de développer un mécanisme conjoint de protection des élections.
Comme vous l’avez dit, c’est un geste fort pour la sécurité dans la région. Moscou est régulièrement accusée par les pays occidentaux de saper la démocratie en Europe, et ce, en multipliant les actes de désinformation ou en tentant d’interférer dans les élections. Les élections présidentielles américaines en 2016, le référendum du Brexit ou encore la présidentielle française de 2017 ont ainsi fait l’objet de tentatives d’interférence russe.
Moment marquant de cette visite, le président Macron a rencontré mardi l’opposante bélarusse, Svetlana Tikhanovskaïa. Exilée en Lituanie, elle est un des symboles de la contestation au Bélarus suite à la réélection frauduleuse du président sortant Alexandre Loukachenko en août dernier. Elle avait remporté la majorité des suffrages mais Loukachenko s’accroche au pouvoir et son régime réprime violemment les manifestations inédites qui durent depuis le 9 août.
Il s’agit du premier chef d’Etat d’Europe occidentale qui rencontre la dissidente bélarusse. Jusqu’à maintenant, ce sont surtout la Pologne et la Lituanie qui s’étaient affichés avec l’opposante. Les deux pays veulent prendre un rôle fort en matière de promotion démocratique dans la région.
Dimanche, le président Macron a déclaré que le président Loukachenko devait s’en aller. Mardi, il a affiché son soutien à la dissidente, Svetlana Tikhanovskaïa. Il a également insisté sur l’importance d’une transition pacifique, de la tenue d’élections libre sous surveillance internationale.
La Biélorussie a des relations fortes avec la Russie qui continue à soutenir le régime de Loukachenko. Dans ce contexte, le président Macron a appelé la Russie à travailler dans le sens d’un changement de régime tout en regrettant je le cite “que le compte n’y soit pas”, pour l’instant.
La démocratie constitue aussi un enjeu au sein de l’Union européenne. La Hongrie et la Pologne projettent de créer un institut d’évaluation de l’Etat de droit. Cela fait plusieurs années que les deux pays sont engagés dans un bras de fer avec l’Union européenne pour leurs réformes anti-démocratiques. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il retourne exactement ?
Et bien Thomas, comme vous l’avez dit, les deux pays sont régulièrement pointés du doigt pour leurs politiques qui fragilisent voire sapent les fondements de la démocratie. Cela fait dix ans que le président hongrois, Viktor Orbán, étend son contrôle sur les universités, les médias et le système judiciaire. La Hongrie fait d’ailleurs l’objet d’une procédure dite de « l’article 7 », pour violation des valeurs fondamentales de l’Union. Celle-ci pourrait entrainer notamment une privation du droit de vote de la Hongrie au sein des institutions de l’Union. Mais la procédure a peu de chances d’aboutir car elle requière une majorité étendue.
La Pologne, quant à elle, a multiplié les réformes de la justice qui ont suscité de vives protestations au sein même du pays.
L’euro-député hongrois, László Trócsányi, qui appartient au parti de Viktor Orbán, pourrait présider l’institut. Les deux gouvernements veulent promouvoir leur vision de l’Etat de droit et donc de la démocratie. Cette initiative ne risque pas d’améliorer les relations de Viktor Orbán avec Věra Jourová, la Commissaire européenne pour les valeurs et la transparence. Il a exigé sa démission après qu’elle ait déclaré qu’il a construit, je cite, une « démocratie malade ».
Cela s’inscrit dans la volonté de la Hongrie et de la Pologne de constituer un contrepoids à Bruxelles.
Tout à fait ! Dans leur déclaration, les ministres des affaires étrangères hongrois et polonais ont fait référence au groupe de Visegrád. Il s’agit d’une organisation intergouvernementale rassemblant la Hongrie, la Pologne, la République Tchèque, et la Slovaquie. Créée en 1991, le but est de coopérer dans les domaines économiques, militaires ou culturels. Cette plateforme sert à la Hongrie et à la Pologne pour avancer leurs intérêts au niveau européens notamment dans le contexte de leur affrontement politique avec l’Union européenne. Il s’opposent à la vision libérale de Bruxelles et cherchent à promouvoir leur approche de la démocratie, basée sur la défense des intérêts nationaux et la promotion de leurs racines chrétiennes.
Terminons par un état des lieux des mesures sanitaires en Europe face à la recrudescence des cas de covid 19. Des manifestations sont apparues à divers endroits en Europe depuis plusieurs semaines, montrant une certaine exaspération face à l’action des gouvernements.
En effet, la semaine passée, la Commission européenne avait appelé les Etats à durcir les mesures pour pallier une deuxième vague. Néanmoins, la contestation augmente à travers les pays européens. Cela fait plusieurs semaines que des manifestations anti-masques émergent notamment en Allemagne, au Royaume-Uni et au Pays-Bas. En Espagne et en Roumanie, l’opposition aux mesures sanitaires est devenu un enjeu hautement politique.
Les pays réagissent de manière très différente à l’arrivée d’une seconde vague.
Oui Thomas, alors que la Belgique assouplit les mesures ce jeudi, avec notamment la fin du port obligatoire du masque dans l’espace public. Le Royaume-Uni a récemment adopté des mesures beaucoup plus strictes après une résurgence des cas. La Suède n’a jamais véritablement imposé de confinement mais a toujours enjoint les habitants à respecter les distances. Les Pays-bas, quant à eux, commencent à prendre des mesures inédites.
Victor D'Anethan - Thomas Kox