Surréalisantes

Surréalisantes #17 - Dora Maar

© Dora Maar House, Ménerbes, Ivan Seymus (CC BY-NC-SA 2.0) Surréalisantes #17 - Dora Maar
© Dora Maar House, Ménerbes, Ivan Seymus (CC BY-NC-SA 2.0)

Retrouvez chaque semaine Zoé Neboit avec sa chronique Surréalisantes sur euradio pour découvrir le portrait d'une artiste surréaliste.

La “Surréalisante” dont vous nous parlez d’aujourd’hui mériterait une réhabilitation

Une réhabilitation en tant qu’artiste, parce que la raison pour laquelle elle a passé la postérité, c’est pour avoir été l’une des compagnes de Picasso. Alors tendez l’oreille, parce que je vais vous parler de Dora Maar. Henriette Theodora Markovitch naît le 22 novembre 1907 à Paris. Sa mère Louise-Julie Voisin est française, son père Josip Marković est un architecte croate et quand Henriette a 3 ans, la famille déménage à Buenos Aires pour son travail. Après 16 années en Argentine, les Markovitch reviennent à Paris où la jeune fille commence des études d’art et se passionne pour la photographie.

En 1930, à 23 ans, elle publie ses premiers tirages sous le nom de Dora Markovitch

En mai 1932, elle ouvre son propre studio de photographie avec le décorateur Pierre Kéfer comme associé et adopte définitivement le pseudonyme “Dora Maar”. Elle travaille comme photographe de mode à une époque d’essor du marché de la presse illustrée. Elle utilise son imagination débordante pour composer ses photographies, détourner des objets du quotidien, utilise le photomontage et le collage. Bref, Dora Maar surréalise et fréquente le groupe de Breton dès le début de sa carrière. Son talent est reconnu dans toutes les avant-gardes.

Elle est aussi très engagée à l’extrême-gauche

Elle signe le tract “Appel à la lutte” en réaction aux émeutes d’extrême-droite de février 1934. À l’automne 1935, elle est photographe de plateau sur le tournage du Crime de Monsieur Lange, film aux idées libertaires écrit et réalisé par Jacques Prévert et Jean Renoir. Elle part en reportage dans plusieurs pays et fait de la photo de rue, notamment à Barcelone et Londres où elle documente les effets de la Grande dépression.

Fin 1935, elle rencontre Pablo Picasso au café des Deux-Magots

De 26 ans son aîné, le déjà très célèbre peintre espagnol est marié avec Marie-Thérèse Walter avec qui il a une fille, mais ça ne l’empêche pas de commencer une liaison avec Dora. À cette époque, la jeune femme est au sommet de son art. En 1936, elle réalise une photographie qui deviendra un symbole du surréalisme : le Portrait d’Ubu. On y voit une forme indescriptible, qui ne ressemble à rien de connu. Est-ce un montage photo ou le fœtus d’un animal? Dora laissera planer le mystère toute sa vie durant.

Au début de la relation, elle photographie Picasso à plusieurs reprises

C’est d’ailleurs la seule des sept compagnes du peintre qui parviendra à un moment à inverser le rôle de la muse et du créateur. Cependant, au fil des années, sa production décroît sous la pression de Picasso qui la pousse à arrêter la photo pour la peinture, et surtout pour l’assister lui. Elle l’aide en 1937 dans la création de Guernica, son chef-d’œuvre, sans bien évidemment jamais reçevoir de la reconnaissance en retour. Les portraits qu’il fait d’elle sont de plus en plus durs et déformés, à l’image de sa série La femme qui pleure. On a souvent décrit la relation Picasso-Maar comme une passion destructrice, mais c’est un euphémisme. Pendant 8 ans, Dora a subi des violences conjugales répétées qui l’ont laissée dans un état psychologique lamentable.

Des historiens de l’art s’accordent pour dire aujourd’hui qu’il est responsable de la destruction de sa carrière et de sa santé mentale

Dora Maar ne reviendra jamais à la photo. Elle va connaître plusieurs internements et finira par se réfugier dans le mysticisme jusqu’à sa mort en 1997 à 89 ans. 24 ans plus tard, en 2021, l’artiste et activiste espagnole Maria Llopis a organisé une performance avec ses étudiantes. Elles se sont rendues au musée Picasso de Barcelone pour poser devant des toiles avec des t-shirts portant des messages comme “Picasso : agresseur de femmes”, “Picasso, ombre de Dora Maar” ou encore “Dora Maar, présente”...

Elle aurait sûrement été sensible à cet hommage, merci Zoé Neboit

Sources :

Aware Women Artistes, “L’histoire de Dora Maar”, https://awarewomenartists.com/decouvrir/lhistoire-de-dora-maar/

“Couples d’artistes (3/3): Pablo Picasso et Dora Maar, l’amour destructeur, France 24, 12 juin 2018 https://www.youtube.com/watch?v=wC1dOHjdwSA

“Dora Maar Presents…”, ARTE.tv Culture, 28 avril 2023, https://www.youtube.com/watch?v=ayERjAt52Q8

“Dora Maar, vers la lumière”, Une vie une oeuvre, France Culture, 1er juin 2019, https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/une-vie-une-oeuvre/dora-maar-vers-la-lumiere-1907-1997-5696337

“Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur… Dora Maar”, Centre Pompidou, 10 juillet 2019 https://www.youtube.com/watch?v=jY0rD7r3I94

Un entretien réalisé par Laurence Aubron