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Surréalisantes #16 - Joyce Mansour

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Retrouvez chaque semaine Zoé Neboit avec sa chronique Surréalisantes sur euradio pour découvrir le portrait d'une artiste surréaliste.

Zoé Neboit, vous nous parlez aujourd’hui d’une grande poétesse

Oui, de l’un des noms les plus illustres de la poésie du XXe siècle, et pourtant vous n’avez peut-être jamais entendu son nom. Il s’agit de Joyce Mansour, née Joyce Patricia Adès le 25 juillet 1928 en Angleterre, de parents syriens juifs originaires d’Alep. Quand elle a seulement un mois, sa famille part vivre au Caire. La jeune Joyce grandit en Égypte, part étudier en Angleterre et en Suisse. À 19 ans, elle perd son premier mari à seulement 6 mois de mariage d’une maladie fulgurante. Elle se remarie deux ans plus tard, en 1949, avec Samir Mansour, un banquier qui vit dans la colonie française du Caire.

Samir et Joyce vivent entre Le Caire et Paris, et la jeune femme commence à écrire

Joyce parle déjà couramment anglais et français, mais c’est à cette époque qu’elle choisit la langue de Molière pour écrire. En 1953, elle publie son premier recueil de poèmes : Cris. Elle a 25 ans et pour l’époque, son écriture est très osée : elle mêle des images religieuses et érotiques et fait du Christ son amant. Son éditeur, Pierre Seghers, est proche des surréalistes. À cette époque, le groupe, qui s’essouffle, ne représente plus le courant littéraire révolutionnaire qu’il incarnait à ses débuts, plus de 30 ans plus tôt. Il s’est aussi disloqué, Aragon et Eluard ne sont plus là, et André Breton est, à 57 ans, plus que jamais une sorte de chef qui campe sur ses positions. 

Dans ce contexte, la jeune poétesse apparaît comme un souffle de renouveau et de jeunesse

André Breton, qui conserve un regard rempli de fantasmes sur les jeunes femmes écrivaines, compare Joyce à celle “qu’annonce la Huppe magique et que le conte oriental nomme la tubéreuse enfant”. Bref, à une sorte de prophétesse, une voyante. Un an après la publication de Cris, et poussés par la crise du canal de Suez, les Mansour déménagent définitivement à Paris. L’appartement du couple, dans le 16e arrondissement, est un lieu de rencontre et de performances poétiques. Quant à Joyce, elle devient une figure centrale de ce qu’on appellera plus tard, la seconde vague du surréalisme. Elle publie recueils poétiques sur recueils, mais aussi de la prose, dont son recueil de nouvelles Les Gisants satisfaits en 1958, qui démontre tout son art d’écriture.

Elle s’approprie des thèmes très crus, chose rare pour une femme à l’époque

Le critique Alain Jouffroy voit dans la poésie de Joyce Mansour “une sorte de révolte, essentiellement féminine contre le despotisme sexuel de l’homme, qui fait souvent de l’érotisme sa création exclusive”. Sur un autre ton, André Breton évoquait “le parfum d’orchidée noire - ultranoires - de [ses] poèmes”. En fait, sa poésie est certe noire, un peu macabre, mais je la trouve surtout pleine d’un humour très inventif. Chez Mansour la mort est comme “une tache de rousseur sur le crâne nu du jour brûlant”. La jeune fille sage “éteint l’hostie de son urine et préface l’été de sa virginité”; “une pieuvre sirupeuse et dorée se débat sur une jambe rayée” ou encore “les pinces clinquantes d’un clitoris-homard éraflaient les cuisses comme des castagnettes”(1). 

Elle meurt le 27 août 1986 d’un cancer, à 58 ans

Sa production poétique, certes abondante, reste confidentielle hors des cercles littéraires. Son mari entreprend une première édition de ses œuvres complètes en 1991 à Acte Sud, mais il faudra attendre 2014 avant qu’une petite maison, les éditions Michel de Maule, réédite son œuvre. Certes la poésie n’est pas le genre littéraire qui fait les bests-sellers, mais on gagnerait à connaître et diffuser un peu plus cette femme qui osa faire sienne le carcan de la poésie surréaliste avec un humour et un lyrisme ravageur. 

(1) Extraits cités par Gilbert Lascault, “Un parfum d’orchidée noire”, publié dans Quizaines n°1119, 1er janvier 2015. https://www.la-nouvelle-quinzaine.fr/mode-lecture/un-parfum-d-orchidee-noire-1126 

Sources

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.