L'Europe, un écrin de droits

Liberté de circulation et mariage homosexuel : la CJUE rappelle les obligations des États

Photo de Tayla Kohler sur Unsplash Liberté de circulation et mariage homosexuel : la CJUE rappelle les obligations des États
Photo de Tayla Kohler sur Unsplash

Alice Collin est avocate au Barreau de Bruxelles, en droit public et européen. Après avoir étudié les sciences politique et le droit, elle s'est spécialisée en études européennes au Collège d'Europe à Bruges.

Le 25 novembre, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision importante concernant les droits des couples homosexuels au sein de l’Union. Elle affirme qu’un État membre ne peut pas refuser de reconnaître un mariage entre personnes de même sexe lorsqu’il a été légalement conclu dans un autre pays de l’UE.

Alors concrètement, sur quoi portait cette affaire et comment la Cour a-t-elle été saisie ?

L’affaire part d’une situation très concrète. Deux citoyens polonais se marient légalement à Berlin en 2018. L’un d’eux possède également la nationalité allemande. Après leur mariage, ils décident de s’installer en Pologne et demandent la transcription de leur acte de mariage dans le registre d’état civil polonais.

Mais les autorités polonaises refusent, au motif que le droit national ne prévoit pas le mariage entre personnes de même sexe. Le couple conteste ce refus et l’affaire remonte jusqu’à la Cour administrative suprême polonaise, qui décide alors de poser une question à la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre d’un renvoi préjudiciel.

Et que répond la Cour de justice à cette question ?

La Cour est très claire : ce refus est contraire au droit de l’Union européenne. Elle considère qu’un État membre est tenu de reconnaître, à certaines fins, le mariage entre personnes de même sexe lorsqu’il a été légalement conclu dans un autre État membre.
Selon la Cour, refuser cette reconnaissance porte atteinte à plusieurs droits fondamentaux garantis aux citoyens européens, en particulier la liberté de circulation, la liberté de séjour, mais aussi le droit au respect de la vie privée et familiale. Elle souligne que ce type de refus peut entraîner de sérieux inconvénients administratifs, professionnels et personnels pour les couples concernés.

Est-ce que cela signifie que tous les États membres doivent désormais légaliser le mariage homosexuel ?

Non, et c’est un point essentiel de la décision. La Cour précise très clairement que cette obligation de reconnaissance n’implique pas que les États membres doivent introduire le mariage entre personnes de même sexe dans leur droit national.
Les règles relatives au mariage restent une compétence nationale. En revanche, lorsqu’un citoyen européen exerce sa liberté de circulation et se marie légalement dans un autre État membre, son pays d’origine ne peut pas ignorer ce statut marital dès lors que cela empêche l’exercice de ses droits européens.

Cette décision s’inscrit-elle dans la continuité de la jurisprudence de la Cour ?

Oui, tout à fait. La Cour s’inscrit dans une évolution progressive de sa jurisprudence. Dès 2018, avec l’arrêt Coman, elle avait déjà imposé la reconnaissance d’un mariage homosexuel afin de garantir un droit de séjour au conjoint, notamment lorsqu’il était ressortissant d’un pays tiers.

Mais l’arrêt du 25 novembre va plus loin. Il ne se limite plus au seul droit de séjour : il impose une reconnaissance plus large du mariage pour garantir l’effectivité des droits liés à la citoyenneté européenne. C’est un signal fort envoyé aux États membres : les différences de législation nationale ne peuvent pas vider de leur substance les libertés fondamentales garanties par le droit de l’Union.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.