L'Europe, un écrin de droits

Europe sociale : la directive sur le salaire minimum confirmé

Photo de Christian Dubovan sur Unsplash Europe sociale : la directive sur le salaire minimum confirmé
Photo de Christian Dubovan sur Unsplash

Alice Collin est avocate au Barreau de Bruxelles, en droit public et européen. Après avoir étudié les sciences politique et le droit, elle s'est spécialisée en études européennes au Collège d'Europe à Bruges.

Le 11 novembre 2025, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt important concernant le salaire minimum dans l’UE. La Cour a confirmé la validité de la majorité de la directive européenne de 2022 sur le salaire minimum, mais a annulé deux dispositions jugées trop contraignantes pour les États membres. Pourquoi cette directive était-elle contestée ?

Le Danemark, soutenu par la Suède, estimait que l’UE dépassait ses compétences en légiférant sur les salaires. Selon eux, fixer un salaire minimum relève des États membres et non de l’Union européenne, notamment parce que cela touche aux conventions collectives entre syndicats et employeurs. Le Danemark a donc demandé l’annulation complète de la directive, craignant une ingérence dans son modèle social, où les salaires sont négociés directement entre partenaires sociaux.

Et qu’a décidé la Cour de justice de l’UE ?



La Cour a partiellement donné raison au Danemark sur deux points : elle a annulé les dispositions qui imposaient des critères précis pour fixer le salaire minimum et celles empêchant sa diminution lorsqu’il est indexé automatiquement. Mais pour le reste, elle a confirmé la directive, considérant qu’elle ne viole pas le droit d’association et qu’elle respecte la répartition des compétences entre l’UE et les États membres. En clair, l’UE peut encourager un salaire minimum adéquat et la négociation collective, mais sans imposer directement les niveaux de salaire.



Concrètement, qu’est-ce que cela change pour les travailleurs européens ?

Cette directive a pour objectif de garantir des salaires minimums décents, de réduire la pauvreté au travail et de promouvoir la négociation collective. Même si certaines dispositions techniques ont été annulées, les États membres doivent mettre en place des plans d’action pour s’assurer que les salaires minimums permettent de vivre dignement. Aujourd’hui, les salaires minimums varient de 551 euros en Bulgarie à 2 638 euros au Luxembourg, mais la directive fixe un cadre pour améliorer ces conditions et promouvoir l’égalité entre hommes et femmes.

Enfin, que disent les syndicats et la Commission européenne de cette décision ?

La décision est saluée comme une victoire pour l’Europe sociale. La Commission européenne insiste sur le respect des traditions nationales et des négociations collectives, tout en rappelant que la directive doit être mise en œuvre. Les syndicats, comme la CES et UNI Europa, appellent à une application rapide et complète pour garantir de vrais salaires décents et une couverture étendue de la négociation collective, jusqu’à 80 % des travailleurs. En résumé, la directive est solide, mais il faudra un engagement réel des États pour que chaque salarié bénéficie d’un salaire minimum adéquat.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.