Artiste européen·ne de la semaine

Gaye Su Akyol (ISTANBUL) - Artiste européenne de la semaine

Gaye Su Akyol (ISTANBUL) - Artiste européenne de la semaine

Cette semaine, nous nous intéressons à la rockeuse stambouliote Gaye Su Akyol

 

Chapitre 1. Un monde sonore original

Chanteuse turque originaire d’Istanbul, Gaye Su Akyol nous présente une musique envoûtante fusionnant les sonorités traditionnelles turques et surf-rock occidentales. La rencontre de son chant typiquement oriental se mêlant à l'esthétique rock psychédélique nous transporte dans son imaginaire décomplexé et libérateur. Phénomène de la scène underground turque, elle offre une parole libérée sur la société contemporaine en utilisant la musique et la poésie pour combattre le conservatisme culturel. Son premier album paru en 2014, intitulé I live with Camels, est traversée par son goût du rock, de la poésie et de la tradition turque, comme nous l'entendons dans le premier titre Abbas

  

  

Son deuxième album sort en 2016, Hologram Empire, un manifeste de liberté et de résistance dans la Turquie d'Erdogan. Ainsi dans Nargile, elle reproche au chef d’État d'avoir volé son pays et vendu son peuple. 

  

  

Son troisième album sort en 2018. Intitulé Stable Dream is Truth, lui aussi fortement engagé, il la fait connaître à un public plus large et reçoit des éloges de grands médias, comme le New York Times et The Guardian. Voici un avant-goût : Bir Yaralı Kuştum ("J'étais un oiseau blessé") :

  

  

Chapitre 2. Entre rock et folklore

L'aventure musicale de Gaye Su Akyol commence à la maison avec une famille mélomane et artiste. Elle grandit avec la musique classique turque écoutée par sa mère, dont elle héritera sa voix, et la musique folklorique écoutée par son père. Elle découvre le rock occidental des sixties et seventies par son frère, notamment le grunge et le surf-rock, qui auront un impact considérable sur sa musique. La rockeuse d'Istanbul grandit donc entourée des mélodies et rythmes traditionnels turcs, et du son rock de Nirvana, Nick Cave, Morphine ou encore Sonic Youth. Ainsi, lorsqu’elle se lance dans sa carrière musicale en 2014, elle propose une musique métissée et riche, car elle y rassemble tout ce qui fait son identité : le rock, qui la fascine, et la musique anatolienne, affirmant son appartenance culturelle. Gaye perpétue la tradition musicale anatolienne, une musique populaire turque répondant à des modèles rythmiques et des gammes spécifiques, qu'elle intègre très naturellement au son grunge et punk-rock. Le résultat de cette rencontre musicale : un son unique, rêveur et révolutionnaire. Écoutons Hemşerim Memleket Nere ("Où est ma ville natale"), une chanson du chanteur de rock anatolien turc Baris Manço, reprise par Gaye Su Akyol en 2018.

  

  

Chapitre 3. Psychédélisme, la filière turque

Nous poursuivons la découverte de la musique de Gaye Su Akyol, qui s'inscrit dans la lignée du rock anatolien apparu dans les années 1960. Ce nouveau style naît en Turquie dans un contexte de modernisation du pays et d'ouverture au multiculturalisme. Apparaît alors un son nouveau : un mélange du rock occidental et de musique traditionnelle anatolienne, auquel est ajouté un effet psychédélique. Cette nouvelle musique, propre à la génération turque des sixties, fait aujourd'hui son come back avec Gaye Su Akyol, et d'autres groupes comme Lalalar ou Altin Gun. On assiste à un véritable revival du rock anatolien psychédélique, un son unique et captivant.

Gaye Su Akyol a donc façonné sa musique sur cette rencontre sonore. Ses morceaux présentent une palette instrumentale très riche : un trio conventionnel guitare-basse-batterie sert de base, auquel elle ajoute une nomenclature plus ethnique : du violon, de l'oud, du cumbush, du baglam, du bendira et des percussions traditionnelles. Et ses albums enchaînent naturellement des chansons très rock avec des airs folkloriques. Écoutons Kendimden kaçmaktan ("Je me fuis moi-même"), extrait de l'album Hologram Empire, qui illustre parfaitement son esthétique sonore.

  

  

Chapitre 4. Le son et l'image

Que ce soit dans sa musique, dans ses clips, sur ses pochettes d'albums ou ses costumes, l'esthétique psychédélique englobe la totalité de son œuvre. Gaye Su Akyol aime repousser les limites, expérimenter et développer de nouveaux langages artistiques. Musicienne, elle est aussi poète et ancienne peintre à succès, une passion héritée de son père, Muzzafer Akyol, peintre surréaliste. De lui elle tient son goût du fantastique et, comme lui, elle n'hésite pas à dépasser les frontières du style. Gaye Su Akyol offre un spectacle visuel parfaitement marié à sa musique. Sa pop psyché et libertaire est accompagnée de clips et de pochettes d'album tout aussi intenses et fascinants que sa musique. Son titre İsyan Manifestosu ("Manifeste de la rébellion"), sorti en 2020 sur Glitterbeat Records, est illustré par un clip très représentatifs de cette esthétique psychédélique tant appréciée par la chanteuse. De la mise en scène aux effets visuels, en passant par le décor et les costumes, le clip nous emporte dans un imaginaire psychédélique accompagnant parfaitement la musique de l'artiste. Il s'y mêle costumes orientaux, références japonaises et effets kaléidoscopiques dignes des premiers albums de Pink Floyd.

  

  

Chapitre 5. Une musique profondément libertaire, à l'image de l'artiste

Décomplexée, libérée des normes et loin des clichés. Voilà ce qui caractérise bien la rockeuse turque, éprise de liberté dans une société qu'elle juge trop conservatrice. Gaye Su Akyol combat le conservatisme culturel par une créativité débordante et des paroles ouvertement contestataires. Inspirée par des artistes turcs militants de la seconde partie du XXe siècle comme Zeki Muren et Selda Bagcan, elle perpétue leur combat pour la justice et la liberté à travers sa musique. Son message se construit en grande partie sur son vécu en tant que femme dans la société turque et ses réflexions sur le monde contemporain. Écoutons sa chanson, İstikrarlı Hayal Hakikattir  ("Stable Dream is Reality"), un hymne à la liberté et à la résistance.

 

  

Dans ses textes, la chanteuse exprime son rêve de liberté et son combat pour la préservation d'un esprit libre. Un message qui se reflète dans ses actions. D'une philosophie do it yourself, c'est un esprit libre qui n'hésite pas à remettre en question les normes de l'ordre établit. D'une punk attitude face au capitalisme culturel, elle a trouvé dans la musique un moyen d'être libre, et de s'affirmer en tant que femme dans un domaine majoritairement masculin.

  

  

Une émission proposée par Mari le Diraison.