Une chronique de Christine Le Brun, Experte Smart Cities & Places chez Onepoint, où nous parlerons de villes, d’outils et de technologies numériques, de données, mais aussi des citoyens et de ceux qui font les villes.
Bonjour Christine Le Brun, aujourd’hui vous nous emmenez en Finlande à Espoo, pour parler mobilité. Un projet audacieux basé sur l’analyse de données météo très fines, qui ambitionne d’encourager les usagers à se tourner plus systématiquement vers le vélo ou la marche.
En effet Laurence. Vous ne connaissez peut-être pas Espoo et pourtant c’est la 2e ville finlandaise, avec quelque 320 000 habitants. En même temps, elle est située dans le Grand Helsinki, à une dizaine de km seulement de la capitale. C’est un centre universitaire majeur, autour de l’université Aalto, reconnue pour sa production de nombreuses startups technologiques dans les domaines de l’éducation, de l’économie ou encore du bien-être. Elle a été nommée finaliste de la Capitale européenne de l’innovation à quatre reprises.
Et cela tient un peu à une personnalité bien particulière je crois ?
En effet, quand on parle d’Espoo, on arrive toujours à Markku Markkula, une personnalité bien connue de l’écosystème d’innovation finlandais et même européen. Sous son impulsion et depuis très longtemps, de nombreuses initiatives ont été testées et ont inspiré d’autres villes. Markkula a une vision bien à lui de la smart city. Il considère l’apprentissage, l’innovation et la collaboration comme des forces indissociables. Il pense que les villes doivent agir comme des « organisations apprenantes », qui doivent constamment s’adapter par la réflexion, le dialogue et l’expérimentation.
D’où cette abondance de projets innovants…
Tout à fait. Par ailleurs ses convictions l’amènent à promouvoir la co-création, en impliquant les citoyens non seulement en tant qu’utilisateurs, mais aussi en tant que concepteurs et même producteurs de services ! Il a également été l’un des initiateurs du projet européen des 100 villes neutres pour le climat et intelligentes.
Et quel est donc le projet en particulier dont vous vouliez nous parler ?
Il s’agit d’une application de météo en temps réel, mais spécifiquement conçue pour la mobilité douce. Elle s’appuie un maillage particulièrement dense de stations connectées afin de capter en continu la température, le vent, les précipitations, mais aussi l’humidité, la visibilité et l’état des chaussées. Un cycliste peut ainsi planifier précisément son itinéraire en évitant les portions glissantes tout juste signalées, tandis qu’un piéton pourra décaler son trajet si des averses soudaines sont détectées en amont de son parcours.
Mais ce n’est pas tout je crois, l’application interagit aussi avec les infrastructures de la ville ?
Tout à fait. Avec divers équipements de la ville et même avec les services de maintenance. Grâce à l’intelligence artificielle, il est possible d’analyser les historiques d’accidents, de croiser les données de trafic et celles de la météo pour anticiper l’arrivée de conditions dangereuses. La ville peut alors, en temps réel, afficher des messages et des consignes spécifiques, adapter l’éclairage des pistes cyclables ou encore renforcer les équipes de salage et de nettoyage des voies sur les portions jugées critiques, afin de garantir la sécurité.
En quoi ce projet est-il intelligent ?
Et bien, il y a tout d’abord un effet de mutualisation intéressant des données météo issues des capteurs disséminés dans la ville. Elles sont exploitées directement par l’application, disponible pour les usagers avec une déclinaison pour smartphone, tablette et montre connectée. Mais, elles sont aussi dirigées vers d’autres applicatifs qui les croisent avec d’autres données pour un usage tourné cette fois vers les services municipaux comme l’éclairage, la signalisation ou la maintenance. Le tout dans le but d’améliorer la capacité des usagers à anticiper les conditions sur leur trajet, mais aussi renforcer la qualité des services offerts par la ville, et la sécurité, le tout en temps réel. Avec ce système, la ville ne se contente pas d’informer : elle accompagne la pratique, elle anticipe et elle rassure. Condition sine qua non pour inciter à prendre son vélo.
Il y a même un aspect collaboratif à tout cela ?
Oui et ce n’est pas le moins intéressant. A l’instar de Waze qui permet de faire des signalements, l’appli dispose de fonctionnalités de partage. On peut ainsi alerter sur une zone verglacée par exemple, signaler un feu défaillant, mais aussi féliciter l’entretien rapide d’une chaussée. Cette intelligence collective alimente un cercle vertueux : plus l’information circule, plus le réseau se sécurise, et cela renforce le sentiment d’appartenance à une communauté urbaine attentive et proactive.
Et puis, dernier petit détail qui ne vous aura sans doute pas échappé, en Finlande, une bonne partie de l’année, mettre le nez dehors ne relève pas de la petite promenade printanière. Inciter les gens à se déplacer à pied ou à vélo en fait un projet d’autant plus remarquable.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.