Tous les mercredis, retrouvez Tarinda Bak sur euradio pour sa chronique intitulée "L'européenne de demain", dans laquelle il sera question des combats menés par les femmes en Europe et partout dans le monde.
Alors, que nous offre l’Union européenne cette semaine ?
À vrai dire, beaucoup de choses. Il y a eu l’adoption par le Sénat, le 1er février, de la proposition de loi sur la constitutionnalisation de l’IVG, et de nombreux débats sur la réforme des retraites et son impact sur les droits des femmes. D’ailleurs, c’est de ce dernier dont j’aimerais vous parler aujourd’hui.
Certes, la réforme des retraites impacte les droits des femmes, mais ne pensez-vous pas que d’autres éléments, liés au droit du travail, viennent les impacter en amont ?
Vous avez tout à fait raison. De nombreux élément sont à prendre en considération, et doivent être améliorer puisqu’ils impactent directement la retraite des femmes, bien avant cette réforme. D’ailleurs, nous avons d’ores et déjà parlé de certains d’entre eux, comme le congé maternité ou paternité, mais il y a également l’inégalité salariale ou encore l’accès à des emplois à temps pleins et non à temps partiel.
Ce principe d’égalité est-il inscrit dans les traités européens ou provient-il seulement de revendications des citoyens et des citoyennes ?
Alors, le principe selon lequel, « les hommes et les femmes doivent être rémunérés de manière égale pour un travail égal », est inscrit dans les traités européens, depuis 1957 avec le traité de Rome. Ce principe est également consacré à l’article 157 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Par ailleurs, cet arsenal juridique consacré par cette dernière, peut être invoqué directement devant les juridictions nationales, dans un litige relatif à un travail de même valeur accompli par des travailleur·ses de sexe différent, y compris dans la situation où le travail a été effectué par deux travailleur·ses de sexe différent, dans deux lieux différents.
Quant à la recommandation 2014/124/UE de la Commission du 7 mars 2014, relative au renforcement du principe de l’égalité des rémunérations des femmes et des hommes, ne vient-elle pas renforcer cette législation ?
En effet, puisque cette directive fournit des orientations aux États membres pour les aider à améliorer, et à rendre plus efficace, la mise en œuvre du principe de l’égalité de rémunération, afin de lutter contre les discriminations salariales, et contribuer à supprimer l’écart persistant de rémunération entre les femmes et les hommes.
N’est-ce pas lors du sommet social de Porto en mai 2021, que les dirigeant·es de l’UE, ont réaffirmé leur engagement en faveur de la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, avec notamment la directive sur la transparence des rémunérations du 4 mars 2021?
Exactement. Cette directive s’inscrit dans le prolongement des engagements de la présidente Von der Leyen, déclarés dans le cadre de : la stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2020-2025.
Et que nous dit-elle ?
Tout d’abord, cette directive instaure le droit à l’information pour les salarié·es. Ainsi, les travailleur·ses, pourront demander à leur employeur·se des informations sur les rémunérations individuelles des travailleur·ses, accomplissant un travail similaire ou de même valeur. Un·e employeur·se se voit aussi obligé de procéder à une évaluation des rémunérations, en coopération avec les représentant·es des travailleur·ses, lorsque les informations sur la rémunération indiquent un écart de rémunération entre les hommes et les femmes d’au moins 5%. Puis, la directive donne, plus largement, des moyens d’agir aux travailleurs en renforçant leur droit d’accès à la justice. L’idée est donc d’apporter des outils supplémentaires pour lutter contre l’écart de rémunération en fournissant des preuves de son existence. Une fois définitivement adoptée par le Parlement et le Conseil, les États membres devront la transposer en droit interne, et communiquer les textes correspondants, deux ans après son adoption, soit le 17 mars 2024.
Malgré cette législation européenne, qu’en est-il de l’écart des rémunérations entre les hommes et les femmes en Europe ?
Il est intéressant de relever que selon les derniers rapports d’Eurostat, la moyenne européenne des inégalités salariales est en recul sur la période 2010- 2020, puisqu’elle avoisine les 13%, alors que cette dernière se situait auparavant à hauteur de 15,8%. Bien qu’il soit important de relever cette baisse, il existe malgré tout des disparités entre les États membres de l’UE.
C’est-à-dire ? Pouvez-vous nous donner quelques exemples ?
5 États membres de l’UE se distinguent avec un écart de rémunération brut faible : au Luxembourg, le salaire est inférieur de 0,7% pour les femmes, par rapport aux hommes ; en Roumanie il est de 2,4% ; 3,1% en Slovénie, 4,2% en Italie, et 4,5% en Pologne. Les États dans lesquels cet écart est le plus significatif sont : la Lettonie, 22,3% ; l’Estonie 21,1% ; l’Autriche 18,9% ; l’Allemagne 18,3% ; et la Hongrie 17,2%. Cet écart de rémunération, en France est de 15,8% en 2020. Ce qui la situe au-dessus de la moyenne de l’Union européenne qui est de 13%, et de 14,1 % pour la zone euro.
Il est donc possible de constater qu’aucun État n’est parvenu à totalement combler ces écarts de rémunération, malgré la législation, n’est-ce pas ?
Malheureusement oui, et ce pour de multiples raisons. Citons ainsi comme exemples les différences dans la participation au marché du travail, les différences dans le nombre d’heures travaillées, les discriminations dans les professions et dans les parcours de carrière ou encore, la répartition inégale des tâches ménagères. D’ailleurs, selon un outil de mesure conçu par l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes, les États membres de l’UE ont obtenu, en termes d’indice d’égalité de genre, une note moyenne de 68 sur 100.
Un mot pour la fin ?
Selon Eurostat, depuis près de dix ans, le taux d’emploi des femmes en Europe est en augmentation passant à 66,2%, chez les femmes de 20 à 64 ans, contre 60,9% en 2011. Toutefois, ce taux demeure inférieur de plus de 10% à celui des hommes puisque, dans l’UE, 77,2% des hommes avaient un emploi en 2020.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.