L'éco de Marc Tempelman

Le marché vs. Xi Jinping

Le marché vs. Xi Jinping

Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.

De quoi allons-nous parler aujourd’hui ?

Je vous propose d’aborder le sujet de la récente réélection du président Chinois Xi Jinping. Mais évidemment sous l’angle financier.

Effectivement la semaine dernière Xi Jinping a obtenu le soutien inconditionnel du parti communiste chinois pour diriger son pays pour un troisième mandat de 5 ans. Ce qui est étonnant en soi, puisque ce poste est typiquement limité à deux mandats seulement.

Oui, à la même occasion, Xi Jinping en a profité pour transformer le comité permanent. Les 6 hommes qui le rejoignent - car il s’agit bien que d’hommes - partagent une caractéristique clé : ils sont depuis longue date loyaux à Xi Jinping. Dit autrement, Xi Jinping concentre plus de pouvoirs que jamais.

Et quel est l’impact financier de cette réélection ?

Contrairement aux membres du parti communiste, qui ont longuement applaudi la réélection de leur leader, les marchés financiers ont accueilli ces développements avec beaucoup plus de circonspection. Les investisseurs étrangers ont massivement vendu les actions chinoises qu’ils détenaient, et réduit leurs positions en renminbi, la devise chinoise.

L’indice de la bourse de Hong Kong, le Hang Seng, a chuté de plus de 6%. Beaucoup d’entreprises chinoises, comme Alibaba et Baidu, ont choisi d’être également cotées à la bourse de New York. Elles sont regroupées dans l’indice Golden Dragon. Cet indice a chuté de plus de 20%. Pour tomber au niveau auquel il était avant que Xi Jinping accède au pouvoir, il y a 10 ans.

Le renminbi a dégringolé contre les devises étrangères. Il touche son plus bas contre le Dollar, avant de reprendre quelques couleurs dans les jours suivants.

La réélection de Xi Jinping était largement prédite. C’est surprenant que les marchés financiers aient réagi aussi violemment, non ?

Vous avez raison. Sa réélection était quasiment garantie. Mais ce sont ses choix des membres du Comité Permanent qui déçoivent et inquiètent les investisseurs. La perception est que le Comité Permanent manque cruellement de membres qui soient “pro-marché” et qui possèdent de solides compétences économiques. Et le discours de Xi Jinping ne fait que rajouter de l’huile sur le feu.

Vous faites référence à son discours de politique générale j’imagine ?

Oui. Dans son discours, il mentionne le mot “sécurité” 91 fois, que ce soit pour réunifier son pays avec Taiwan par tous les moyens, ou pour fortifier les sociétés chinoises face à - et je cite - “des tentatives externes de chantage, de blocus et de pressions maximales sur la Chine”.

Par ailleurs, il a insisté sur son objectif de “prospérité commune”. En soit évidemment un objectif louable. Mais les investisseurs craignent que cela implique de nouveaux impôts sur la fortune et les gains en capitaux. Et aussi que cela pourrait conduire à la répression des firmes technologiques les plus performantes et des entrepreneurs qui les dirigent. Dont certains ont été emprisonnés. D’autres - comme Jack Ma, le fondateur d’Alibaba - ont été rappelés à l’ordre et ne se présentent quasiment plus en public.

Si je résume, le marché financier craint que Xi Jinping nuise au développement des sociétés privées en imposant l’idéologie communiste de façon concrète. La fin du “laissez-faire” qui avait tant contribué au succès économique de la Chine.

Exactement. Pour certains investisseurs internationaux le risque d’interférence politique est devenu trop important. Ils sont sortis du marché chinois. Mais après la récente correction, les valorisations des sociétés chinoises sont tombées à des niveaux attractifs par rapport aux profits futurs. À ces niveaux, le marché chinois présente probablement une opportunité d’investissement d’un point de vue purement financier.

Le futur du marché chinois sera donc déterminé par le tiraillement entre la recherche de valeur économique et les valeurs tout court.

Chronique réalisée par Laurence Aubron.