Retrouvez chaque semaine sur euradio l'analyse d'une actualité européenne avec Joséphine Staron, Directrice des études et des relations internationales du think tank Synopia.
Le 19 mai dernier, le Royaume-Uni et l’Union européenne ont tenu leur premier sommet bilatéral depuis le Brexit. Quels sont les principaux enseignements de cette rencontre ?
Ce sommet marque un tournant symbolique et politique. Cinq ans après le Brexit, Londres et Bruxelles ont affiché une volonté claire de réengagement. Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ont annoncé un « nouveau chapitre » dans leurs relations. Les accords conclus couvrent des domaines variés : sécurité, défense, commerce, mobilité des jeunes, pêche, énergie et climat. C’est une tentative de dépasser les tensions post-Brexit et de construire une coopération pragmatique, dans un contexte d’éloignement avec les Etats-Unis et de recherche d’autonomie stratégique. C’est donc une nécessité pour les Européens mais aussi pour les Britanniques.
L’un des accords majeurs concerne la sécurité et la défense. Que prévoit ce partenariat et quelles en sont les implications pour les deux parties ?
Avec cet accord, le Royaume-Uni pourra participer à des réunions ministérielles de l’UE sur la défense, rejoindre certaines missions militaires européennes, et ouvrir l’accès des entreprises britanniques au programme européen de soutien à l’industrie de défense, doté de 150 milliards d’euros. C’est un pas important vers une coopération stratégique plus intégrée. L’industrie de défense britannique est l’une des plus avancées d’Europe. Son expertise technologique, ses capacités de production, mais aussi l’expérience opérationnelle de l’armée britannique représentent des atouts majeurs pour la consolidation d’une base industrielle et technologique de défense européenne. Mais des questions subsistent. Le Royaume-Uni reste très dépendant des standards et des équipements américains, à la fois dans ses armements et dans ses systèmes de commandement. Cette interopérabilité étroite avec les États-Unis peut compliquer l’autonomie technologique que l’Europe cherche à construire. Il faudra donc que cette coopération soit pensée de manière pragmatique, pour tirer parti de l’excellence britannique, tout en gardant l’ambition d’une souveraineté européenne renforcée. En clair, une contribution britannique, oui — mais à conditions égales et dans le respect des objectifs stratégiques européens.
La visite de Keir Starmer à Kiev pour le sommet de la « coalition des volontaires » a coïncidé avec ce rapprochement euro-britannique. Est-ce une nouvelle preuve d’alignement stratégique, ou bien ce format reste-t-il encore limité ?
C’est un peu des deux. Le fait que le Royaume-Uni participe activement à la coalition des volontaires, aux côtés de la France, de la Pologne et de l’Allemagne, montre clairement que la défense de l’Ukraine reste un socle commun de coopération stratégique. C’est un signal fort, et on peut s’en réjouir. Cela dit, cette coalition soulève aussi une forme de déception. Elle reste très informelle, peu structurée, et son efficacité dépend largement d’un hypothétique soutien américain. Ce rapprochement avec Londres est une bonne nouvelle, mais il ne compense pas à lui seul le manque de vision collective sur la sécurité européenne.
Au-delà des questions stratégiques, des accords ont été conclus sur le commerce et la mobilité. Quels seront les impacts concrets pour les citoyens et les entreprises ?
Plusieurs avancées notables ont été réalisées. Un accord sanitaire et phytosanitaire (SPS) a été signé, réduisant les contrôles aux frontières pour les produits agroalimentaires, à condition que le Royaume-Uni aligne ses normes sur celles de l’UE. De plus, un programme de mobilité des jeunes est en discussion, permettant aux 18-30 ans de travailler et d’étudier de part et d’autre de la Manche. Mais ce sujet n’est pas encore tranché. Autre évolution : les Britanniques auront désormais accès aux portiques électroniques dans les aéroports européens, facilitant leurs déplacements. Et surtout, les droits de pêche européens dans les eaux britanniques vont être prolongé jusqu’en 2038 – ce qui est une victoire pour les pêcheurs européens, notamment français.
Ce sommet marque-t-il le début d’un rapprochement durable entre le Royaume-Uni et l’UE, ou s’agit-il d’une parenthèse liée au contexte politique actuel ?
Il est encore tôt pour le dire. Ce sommet est une étape importante, mais il ne constitue pas une réinitialisation complète des relations. Les deux parties ont exprimé leur volonté de coopérer davantage, mais sans remettre en cause les accords existants. Le succès de ce rapprochement dépendra de la mise en œuvre des accords conclus.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.