Nous sommes toutes et tous sur cette ligne. Sur le plan économique et financier, que vous inspire cette crise ?
Je voudrais surtout développer le fait que cette crise accélère les tendances à la décarbonation de nos économies. C’était une nécessité pour lutter contre le réchauffement climatique et cette crise pourrait, si les Etats européens sont à la hauteur, être l’occasion pour passer à l’acte plus vite que ce qui était anticipé. C’est très triste à dire, mais peut-être aura-t-il fallu une guerre pour réveiller les consciences.
Cette crise pourrait donc, même si cela est délicat à dire dans le contexte actuel, avoir des conséquences positives. Etant donnée sa gravité humaine, prenons tout ce qui positif ! Pourquoi pensez-vous cela ?
Pour une raison très simple. La cause de la dépendance européenne à la Russie réside avant tout dans les énergies fossiles, gaz et pétrole. Et ce sont précisément ces énergies qui sont les principaux facteurs d’émissions de gaz à effet de serre. Donc, gagner notre indépendance énergétique, ou être plus résilient comme le disent les politiques, cela signifie abaisser drastiquement notre consommation d’énergies fossiles.
Et vous pensez que ce n’était pas la trajectoire prévue ?
Bien sûr, il y a le green deal, l’évolution des normes sur les constructeurs de voiture par exemple, etc. Mais le mouvement général de décarbonation était finalement assez lent et ne faisait pas forcément consensus pour tous les pays membres de l’Union européenne. En France par exemple, le réchauffement climatique est relativement absent de notre campagne électorale, malheureusement. Certes il y avait le retour du nucléaire, mais comme vous le savez, en France, ce n’est qu’une partie du problème. Le nucléaire touche peu la mobilité et le chauffage notamment. Et, le volet 2 du rapport du GIEC est sorti, mais n’a pas fait les gros titres. Donc oui, il faut revenir sur les enjeux de la transition et c’est urgent.
En France mais aussi dans les autres pays européens.
Vous avez tout à fait raison. Et de ce point de vue, le débat a commencé à s’ouvrir… avant de se refermer. En Allemagne, la simple prolongation des centrales nucléaires a apparemment déjà été enterrée, pour préférer le retour du charbon et du gaz, quels que soient les prix. En Belgique en revanche, les verts se disent ouverts à la non-fermeture des centrales nucléaires. Au-delà de ces atermoiements, il me semble en tout cas certain que la prise de conscience de tous les citoyens européens sur la nécessité de moins consommer de gaz et de pétrole est totale pour la double raison de la dépendance russe et du montant des factures de chauffage et de carburant.
En somme, Poutine est parvenu à un réveil des consciences écologiques sans le vouloir !
Oui. Et c’est une opportunité à ne pas manquer. J’espère sincèrement que le sommet de Versailles, tenu il y a une semaine, a porté des fruits, notamment cette volonté européenne de résilience, de décarbonation de l’économie, et que chaque Etat prendra cette voie.
Jeanne Gohier au micro de Laurence Aubron
Jeanne Gohier est analyste sur la finance du climat chez Fideas Capital, qui propose aux Européens d’investir « Smart for Climate », c’est-à-dire de prendre en compte les enjeux du réchauffement climatique dans leurs placements.
Tous les éditos "Smart for Climate" de Jeanne Gohier sont à retrouver juste ici