Par les mots qui courent…

Quel régime ?

Quel régime ?

Une fois par mois, Alexandra Fresse-Eliazord décrypte les mots de l’actualité pour nous faire prendre un peu de recul sur le vocabulaire employé par les personnes publiques, les responsables politiques, les journalistes ou les entrepreneur.es.

Nous allons parler régime aujourd’hui ?

En effet, même si le winter body ne subit pas les mêmes injonctions que le summer body, le mot « régime », lui, est à la mode, ainsi que tout le champ lexical de ses nombreuses acceptions.

Alors quels sont ces différents usages ?

Très prosaïquement, et si vous avez tout de même très faim, on peut penser au régime de banane, mais ce n’est pas le propos, même si l’on a vu le président de la République et le président du Sénat glisser quelques peaux de bananes sous les pieds du nouveau et ancien premier ministre. Qui avance donc sur un terrain glissant sur le sujet de la réforme des retraites et de sa suspension.

D’ailleurs, les retraités, sont, eux appelés à se mettre « au régime » si leurs pensions sont gelées en 2026. Cette image de devoir se serrer la ceinture, c’est l’image d’un régime subi, et non choisi ; et les associations de solidarité, pour nous alerter sur le risque de disparition de 30 % d’entre elles face à la baisse des aides publiques, filaient la métaphore en nous disant : « on est à l’os. »

Alors est-ce qu’un régime aussi peut disparaître ?

Dans quel sens ?

C’est le journal Le Monde, entre autres, qui a évoqué un risque de « crise de régime » lorsque Sébastien Lecornu était menacé par ses deux (premières) motions de censure. On en est là : un régime, celui de la Ve République, qui ne tient qu’à un fil ou à quelques voix, ce qui laisse un sentiment de fin de règne, de fin de quelque chose, en tout cas qui n’inspire pas la sérénité.

Nos voisins européens se sont montrés assez durs pour qualifier la situation gouvernementale française des derniers mois ; il était écrit dans El País que Sébastien Lecornu était revenu pour « tenter de sauver les meubles de la Ve République. »

Effectivement, pas très rassurant.

Face à cela, si je reviens sur la notion de régime alimentaire, une autre image s’impose : celle de la crise de foie. Peut-être parce le jeu des chaises musicales à la tête de l’Etat peut donner le tournis, parfois jusqu’à la nausée, certains Français se disent clairement « dégoûtés », voir « vomissent » la politique où ils ne voient que jeux de rôle et jeux de pouvoir, et ressentent un certain « mépris » de la part des puissants, c’est un mot de plus en plus employé. En tout cas s’il y a crise de foie, c’est plutôt une crise de la foi, de la confiance, qui n’est pas nouvelle envers ceux qui nous gouvernent.

Et je viens d’utiliser le vocabulaire du jeu, alors que la situation est bien sérieuse, et tous les diététiciens vous le diront : « ne jouez pas avec les régimes », au risque de l’effet yoyo, on pourrait dire, dans ce que nous vivons, plutôt : l’effet boomerang.

C’est jouer avec la santé ?

Un régime au départ indique un choix dans le type d’aliment, et pas forcément pour maigrir ou pour soigner, par exemple le régime végétarien ou le régime carné. On peut changer de régime pour une alimentation que l’on estime plus saine, ou plus adaptée à une période de notre vie. Par analogie, dans la période que nous traversons qui est, comme beaucoup l’analyse, un peu chaotique, le régime présidentiel français de la Ve République pourrait être questionné si le fonctionnement actuel des institutions conduit à l’impasse.

Mais le mot « régime » peut aussi s’entendre de manière plus large que le régime constitutionnel. On parle globalement de régimes démocratiques, par rapport à des régimes autoritaires. Et là, attention : ne jetons pas tous les régimes avec l’eau du bain…

Les régimes autoritaires, comme le raconte Giuliano Da Empoli dans son livre L’Heure des prédateurs (Gallimard, avril 2025), sont en train de redessiner la géopolitique mondiale, et la brutalité de s’installer dans certaines façons de diriger de nombreux pays, et non des moindres, il s’agirait de ne pas foncer vers cet horizon… à plein régime.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.