L'état de l'État de droit - Elise Bernard

Plus d'inclusion dans l'État de droit

©Jon Tyson sur Unsplash Plus d'inclusion dans l'État de droit
©Jon Tyson sur Unsplash

Elise Bernard : Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur euradio les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.

L’Etat de droit européen c’est être plus inclusif, on en a parlé plusieurs fois mais c’est aussi appuyer un modèle de société en opposition avec d’autres.

Oui Laurence, c’est ce que l’on peut comprendre de la décision rendue par la Cour de justice de l’UE du 16 janvier dernier.

C’est cette décision dont on a un peu entendu parler qui explique que les Etats membres de l’Union doivent "recueillir les informations sur le pays d’origine pertinentes pour l’examen des demandes de statut de réfugié faites par les femmes".

Exactement. Dans le cas d’espèce, une femme kurde de Turquie, mariée de force mineure et victime de violences conjugales était arrivée en Bulgarie pour demander l’asile.

Au nom de la Convention de Genève qui fixe les règles de base internationales pour l’obtention d’un statut de réfugié c’est bien cela.

Exactement. Cela signifie qu’avec cette décision le juge européen estime que l’espace de droit de l’Union doit être plus inclusif.

Et donc considérer qu’une femme, parce qu’elle est femme et de ce fait visée par des violences, mérite protection de notre ordre juridique.

Disons que la CJUE demande aux autorités des Etats membres de faire le point sur la situation des femmes dans le pays d’origine de celle qui demande l’asile.

Ah oui comme pour s’assurer que ces femmes, nulle part dans leur pays d’origine ne peuvent se réfugier.

Sans mauvais jeu de mots on peut l’expliquer ainsi. En d’autres termes, ni ce que l’on sait de sa société d’origine ni le droit applicable ne seront en sa faveur. En accueillant ces femmes et en régularisant leur situation sur la base d’une interprétation spécifique de l’asile, on s’oppose à certains modèles de société et on va au -delà de notre opposition à certains régimes politiques.

Avec cette décision, on va plus loin que la Convention d’Istanbul?

Tout à fait. La Convention d’Istanbul s’apparente plus à une déclaration d’intention, invocable devant un juge certes, mais rien de contraignant. Ici, le juge bulgare a procédé à une renvoi préjudiciel : il pose la question au juge de Luxembourg de savoir si les femmes victimes de leur situation de femme bénéficient d’une attention particulière au titre de l’asile.

La CJUE dit oui

La CJUE dit oui et cela signifie que tous les juges d’Europe, au moment de rendre des décisions relevant de la Convention de Genève devront suivre cette demande spécifique.

Entretien réalisé par Laurence Aubron.

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