Nous retrouvons Anna Creti, professeure d'économie à l'Université Paris Dauphine et Directrice scientifique de la chaire économie du gaz naturel et de la chaire Economie du climat.
Alors que l’on commence à espérer la sortie de la pandémie, qu’en est-il de l’économie ? Est-t-elle plus verte ?
Pendant la période la plus sévère de la pandémie, où les couvre-feux strictes étaient les seules mesures pour contrer la diffusion du coronavirus, nous étions tous affectés par un mode de vie étrange. Tous sauf un : le climat. Mettre à l’arrêt l’économie a permis une baisse drastique des émissions de gaz à effet de serre. Alors qu’au troisième trimestre de 2019, quelques 891 millions de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone (CO2e) ont été émises, au premier trimestre 2020, lorsque la première vague d'infections a touché l'Europe, les émissions ont plongé à environ 740 millions de tonnes. Nous sommes maintenant sur le chemin inverse. Nous retrouvons presque notre « vie d’avant » et la pollution aussi…La quantité d'émissions de gaz à effet de serre causées par l'activité économique dans l'Union européenne a quasiment retrouvé son niveau d'avant la pandémie, au troisième trimestre de l'année dernière. De juillet à septembre 2021, les 27 pays de l'Union ont émis 881 millions de tonnes de CO2e. Eurostat a livré ces chiffres mi-février.
Quels sont les activités qui ont le plus contribué au rebond des émissions ?
Les émissions proviennent de diverses sources telles que l'industrie manufacturière, l'approvisionnement en énergie et les ménages. Selon Eurostat, les secteurs de l'approvisionnement en électricité et de l'industrie manufacturière ont tous deux contribué à près d'un quart des émissions au cours de cette période, tandis que les ménages et l'agriculture ont chacun contribué à 14%. Au niveau des pays européens, des fortes disparités existent. Parmi les Etats Membres, c'est la Bulgarie qui a enregistré la plus forte hausse dans l'ensemble de l'Union européenne au troisième trimestre, avec une augmentation de 22,7 % de ses émissions, suivie de la Lettonie et de la Grèce, avec des hausses respectives de 16,2 % et 13,1 %. Les émissions ont diminué en Slovénie, au Luxembourg et aux Pays-Bas de 1,6 % à 2,6 %.
Il est important de souligner qu’Eurostat a ajouté qu'en dépit des effets de la reprise économique, les niveaux d'émissions poursuivaient une tendance à long terme de réduction régulière vers les objectifs de l'Union européenne. Une lueur d’espoir !
Est-ce trop tôt pour comprendre l’effet des mesures de relance verte et son impact sur les émissions ?
Les mécanismes de relance sont encore à leur début et donc il est difficile de savoir si cette légère baisse des émissions par rapport au trend historique soit due au succès du plan de relance et de ses composantes vertes. Le budget à long terme de l’UE, associé à NextGenerationEU— l’instrument temporaire destiné à stimuler la reprise — constituera le plus vaste train de mesures de relance jamais financé en Europe. Un montant total de 2 018 milliards d’euros contribuera à la reconstruction de l’Europe de l’après-COVID-19, une Europe plus verte (mais aussi plus numérique et plus résiliente). En particulier, un tiers des investissements du plan de relance NextGenerationEU et du budget septennal de l'UE financera le Green Deal européen.
Quand ces mesures seront-elles opérationnelles ?
Le 9 février le Parlement Européen a voté le budget pour le mécanisme de relance. Une somme de 265 milliards sera donc mise à disposition pour la transition verte sous forme de subventions et de prêts accordés aux pays de l’UE L’étape d’après consistera à rendre opérationnels les canaux de relance, auprès de tous les Etats Membres, pour que la baisse des émissions soit encore plus rapide et efficace. « Reconstruire en mieux » on dit. Mais surtout, on verra.
Anna Creti est Professeure d’économie à l'Université de Paris Dauphine-PSL, Directrice scientifique de la Chaire Économie du Gaz Naturel et de la Chaire Économie du Climat, qui développe des programmes de recherche autour de l’économie du changement climatique.
Anna Creti au micro de Laurence Aubron