L'édito européen de Quentin Dickinson

Vladimir et Donald, même combat ?

Photo de Jørgen Håland sur Unsplash Vladimir et Donald, même combat ?
Photo de Jørgen Håland sur Unsplash

Chaque semaine, Quentin Dickinson revient sur des thèmes de l'actualité européenne sur euradio.

Cette semaine, Quentin Dickinson, vous vous penchez sur les situations individuelles comparées de Vladimir POUTINE et de Donald TRUMP…

…et commençons par jauger la durée vraisemblable qu’il leur reste à exercer le pouvoir suprême.

Pour résumer, POUTINE a fait modifier la Constitution de son pays afin de garantir sa présence à la tête de celui-ci au moins jusqu’en 2036, année de ses quatre-vingt-quatre ans ; il ne redoute donc pas une fin de mandat imminente.

La Constitution limite à deux mandats de quatre ans tout Président des États-Unis. TRUMP ne pourra donc pas se succéder à lui-même au-delà de 2028. Il aura alors quatre-vingt-deux ans. Il a certes et à plusieurs reprises évoqué l’éventualité de modifier ladite Constitution, mais il paraît depuis peu accepter l’idée d’abandonner ce projet hasardeux, son entourage – où l’on dénombre quelques candidats à sa succession, dont MM. VANCE et RUBIO – l’ayant semble-t-il persuadé qu’il resterait le vrai patron du pays et que le trumpisme règnerait éternellement.

A l’issue de cette première manche, POUTINE gagnant.

Mesurons maintenant le risque qu’ils perdent leur pouvoir…

Tout autocrate, avéré ou en puissance, ne redoute qu’une chose : c’est que son peuple se soulève contre lui.

POUTINE ne fait pas exception à ce constat. Sa Russie est composée d’une prospère vitrine : MOSCOU et SAINT-PÉTERSBOURG, et d’une immense étendue morcelée, appauvrie, délibérément privée de perspectives. Le pari de POUTINE, c’est que les pauvres n’auront jamais l’énergie de se soulever et que les pas-vraiment-riches se satisferont de leur sort, privilégié par rapport à celui de la majeure partie de la Russie. Jusqu’ici, ce semblant d’équilibre paraît tenir.

Dans le système démocratique que sont encore les États-Unis, Donald TRUMP n’a pas actuellement à redouter l’opposition du Parti démocrate, qui peine à se relever de sa défaite électorale à la dernière présidentielle et à qui il reste toujours à se trouver un nouveau chef de file crédible.

Toutefois, les dernières élections partielles, y compris dans des fiefs traditionnellement acquis au Parti républicain de M. TRUMP, ont révélé un rebond inattendu en faveur de candidats démocrates.

C’est que les expulsions de migrants organisées de façon brutalement désordonnée par le gouvernement américain, ainsi que l’immixtion de celui-ci dans les élections en Amérique latine, détournent de M. TRUMP l’important électorat hispanique ; parallèlement, l’électorat noir ne trouve plus beaucoup d’attrait à une Maison-Blanche peuplée de blancs et de blondes.

Enfin, les classes moyennes, toutes catégories confondues, se plaignent amèrement de la hausse du coût de la vie, en partie imputable à la politique irréfléchie des droits de douane punitifs imposés aux produits importés aux États-Unis.

Deuxième manche : avantage POUTINE.

Mais TRUMP et POUTINE ont besoin de s’entourer de gens compétents et loyaux…

Effectivement. POUTINE n’ayant assis son pouvoir – et ne le maintenant – qu’à travers un réseau d’affidés des services de sécurité, véritable police politique, il ne se maintient que grâce à un édifice institutionnalisé d’intimidation et de corruption à tous les étages, lequel permet de désamorcer préventivement les éventuelles insatisfactions et scrupules.

Longtemps, POUTINE s’est aussi appuyé sur une cour nombreuse d’oligarques, grassement nourris par la kleptocratie ordinaire ; depuis quelques années, cependant – d’ailleurs imité en cela par XI Jinping chez lui – M. POUTINE entend mettre au pas ces ultra-riches en leur rappelant qu’ils lui doivent leur bonne fortune… qui, à tout moment, peut leur être retirée.

M. TRUMP, quant à lui, ne cache pas son admiration pour le système POUTINE. Lors de son retour aux affaires au début de cette année, il s’en était largement inspiré en s’asseyant sur le droit et usages en vigueur depuis un siècle et demi dans la vie publique étatsunienne.

Les services de sécurité ont été priés de se conformer à la nouvelle doctrine trumpienne ; les responsables rétifs ont été licenciés avec effet immédiat. M. TRUMP a aussi ses oligarques, les tout-puissants rois de l’informatique, ignares en politique et inquiétants par leurs projets d’avenir pour l’humanité.

Troisième manche : POUTINE et TRUMP, ex-æquo.

Et la dernière manche, ce sera sur l’économie…

Dans l’ensemble, l’économie américaine reste solide, mais la succession de décisions prises en dépit du bon sens, les revirements-surprise, et l’imprévisibilité absolue de Donald TRUMP déstabilisent la Bourse et freinent la croissance des entreprises.

Il en va tout autrement de l’économie russe. Grâce à la manne pétrogazière, elle tournait à peu près correctement. Mais que ce qui devait être une guerre-éclair pour s’emparer en quelques jours de toute l’Ukraine s’est transformée, en quatre ans, en guerre d’usure sans fin aujourd’hui prévisible.

Et l’économie, entièrement axée sur l’effort de guerre, conduit à la faillite des PME, voit les grands groupes obligés d’acheter au prix fort des bons d’État, les banques de commerce condamnées à plus ou moins brève échéance, alors que la Banque centrale de Russie se montre incapable de retenir l’inflation et se met à vendre ses stocks d’or.

Pour cette dernière manche, sans hésitation : avantage TRUMP.

Et le résultat final est : TRUMP, deux points ; POUTINE, trois points. Le concours continue.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.