Chaque semaine sur euradio, Perspective Europe, l'association du master "Affaires européennes" de Sciences Po Bordeaux, revient sur l'actualité bruxelloise et européenne.
“ Quoi de neuf en Europe ? “, c’est le nom que porte la chronique hebdomadaire réalisée par l’association Perspective Europe. Les étudiants du master Affaires Européennes de Sciences Po Bordeaux se sont donnés pour mission de décoder pour vous, chers auditeurs, l’actualité européenne. Alors quels ont été les moments forts de la semaine qui vient de s’écouler ? On en discute tout de suite avec Fédor Dupont-Nivet. Bonjour et Bienvenue !
Bonjour Laurence. L’actualité brûle. Le 26 novembre 2025, le Parlement Européen a mis en place l’EDIP.
C’est le premier Programme européen pour l’industrie de défense. Il est doté de 1,5 milliard d’euros de subventions directes pour la période 2025-2027.
Cela marque la fin des simples promesses et le début d’une action concrète de l’Union européenne, pour renforcer son autonomie stratégique face à la Russie et aux tensions mondiales actuelles.
Et comment cela s’inscrit-il dans le grand plan global, “Readiness 2030” ?
L’EDIP constitue le fer de lance des 19 initiatives industrielles prévues par L’ EDIS. L’EDIS qui, nous le rappelons, est la stratégie industrielle de défense qui s’opère dans le cadre de Readiness 2030. Readiness 2030, qui est le plan global de la commission lancé en Mars 2025 pour réarmer l’Europe avec des investissements publics et privés à la hauteur de 800 Milliards d'euros.
L’EDIP est un premier pas vers cette direction. Il propose un cadre dédié aux contrats d’armement conjoints, et 150 millions d’euros pour moderniser les chaînes d’approvisionnement des petites et moyennes entreprises du secteur. Mais surtout, il impose la règle ‘Buy European’, exigeant qu’au minimum 65 % des composants doivent provenir de l’Union Europénne ou d’Ukraine.
Mais pourquoi l’adoption d’EDIP est considérée comme un tel progrès?
C’est historique, puisque l’EDIP transforme la stratégie de l’EDIS en une réalité tangible. Il prépare le terrain pour SAFE.
SAFE, c’est un levier par lequel la Commission Européenne emprunte 150 milliards d’euros sur les marchés financiers, afin de prêter à des taux avantageux aux États membres. Le résultat ? Des achats communs d’obus, de missiles et de drones. Déjà maintenant, 19 pays ont demandé leur part dans SAFE !
Est-ce que ces investissements pourront s’opérer dans le contexte de crise de l’industrie de la sidérurgie que nous connaissons aujourd’hui?
Effectivement, l’industrie de la sidérurgie est en crise actuellement. La production d’acier dans l’Union européenne a chuté de 31 millions de tonnes depuis 2018, les importations représentent désormais 27 à 30 % du marché intérieur, et plus de 95 000 emplois ont été perdus.
Le secteur de la défense en Europe est clairement impliqué dans cette affaire. Alors que les Etats-membres ont des intérêts communs en matière de défense, le secteur de la défense est incité à se procurer des métaux low-cost d’Asie.
Pour répondre à cette problématique, l’EDIP et la règle ‘Buy European’ incitent la relocalisation de l'acier pour l’industrie de La Défense.
Mais du chemin reste à parcourir, quand même ?
Oui, bien sûr. Comme mentionné, Readiness 2030 ambitionne 800 milliards d’euros d’investissements d’ici 2030, mais plusieurs initiatives clés de la stratégie EDIS attendent encore leur adoption pleine et entière. Par exemple, l’intégration des fonds de cohésion vers des projets de défense suscite encore des dissensions entre États membres. Sans accords rapides sur ces points, l’autonomie stratégique complète reste un objectif lointain.
L’EDIP reste donc un bon début ?
C’est un excellent début. L’ EDIP ouvre la brèche au bon moment : l’Europe ne réarme pas seulement ses armées, mais relance son industrie de base, avec la sidérurgie en tête de pont.
Deuxième actualité cette semaine, un tollé dans les bancs du Parlement Européen. Que s'est il passé Fedor ?
Un conflit s’est produit entre les groupes progressistes S&D, The Left, les verts, et les groupes de droite, le PPE et l’ECR.
Les groupes progressistes ont boycotté en effet la première session du groupe de travail « Scrutiny »
Quels ont été les motifs de ce boycott ?
Pour comprendre, il faut connaître le contexte de la création et de la vocation de ce groupe de travail à l’intérieur du parlement européen. Il a été créé suite à l’initiative du PPE et des groupes de la droite extrême.
Son objectif est de contrôler plus ardemment la part du budget consacré aux ONG.
Mais pourquoi les ONG devraient-elles bénéficier de plus de contrôle?
La raison invoquée est que les ONG bénéficient de moyens qui leur serviraient à exercer de l’influence politique. Selon le narratif, certains versements de l’UE envers des ONG auraient été utilisés pour financer directement des activités de lobbying au sein du parlement Européen et de la commission. Le groupe de travail “Scrutiny” vise justement à superviser ces financements. De la part des groupes progressistes, de fortes critiques ont été formulées. Ils dénoncent en premier lieux une « chasse aux sorcières » envers les ONG, alors que des groupes d’intérêt industriels par exemple, ne sont pas soumis à un contrôle aussi fort.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.