Lola Rondeau est étudiante en études politiques et de gouvernance européennes au Collège d'Europe et diplômée de Sciences Po Bordeaux en affaires européennes. Elle s'intéresse principalement au marché intérieur, aux politiques commerciales de l'Union européenne et à la lutte anti-contrefaçon.
Vous êtes avec nous aujourd’hui pour nous parler de la lutte anti-contrefaçon. Pour débuter, peut-être pourrions-nous revenir sur ce que l’on entend par la « contrefaçon » ?
Oui tout à fait, lorsque l’on entend le terme “contrefaçon” on pense souvent à un faux sac ou bien des fausses chaussures de marque. Néanmoins, la contrefaçon ne touche pas seulement le secteur de la mode. Elle touche aussi les médicaments, les produits alimentaires, l’électroménager et même des pièces automobiles. D’un point de vue juridique, la contrefaçon se définit comme une atteinte aux droits de propriété intellectuelle. Elle consiste à imiter et à reproduire un bien sans l’autorisation du propriétaire de la marque, du brevet ou encore du modèle déposé.
Pourquoi est-il important de lutter contre la contrefaçon ?
Il est nécessaire de lutter contre la contrefaçon puisqu’elle présente plusieurs risques. Tout d’abord, un risque sanitaire puisque les produits contrefaits tels que les médicaments ou les produits alimentaires sont fabriqués de façon très opaque avec des matériaux de moindre qualité, sans contrôles et pouvant nuire à la santé des consommateurs. Il y a aussi un risque environnemental, puisqu’il s’agit d’une production de masse qui est polluante et illégale. Et une fois retirés du marché, ces produits contrefaits doivent être stockés puis détruits ce qui a aussi un coût important et nécessite des infrastructures adaptées. Enfin, la contrefaçon a des répercussions sur les emplois, l’économie et les recettes fiscales des états.
Et à l’échelle européenne quel est son impact ?
Comme vous le savez, avec l’Union européenne nous avons le marché intérieur, il s’agit d’un espace dans lequel les biens circulent librement sans frontières. Ce qui signifie qu’une marchandise de contrefaçon peut entrer dans le marché intérieur européen et circuler entre les états membres.
D’après l’Office de l’Union européenne pour la Propriété Intellectuelle le commerce des produits de contrefaçon dépasse 509 milliards de dollars de recette annuelle et de fortes pertes financières en Europe.
Et quelle est la stratégie européenne pour lutter contre la contrefaçon ?
Chaque état dispose de sa propre institution en charge de la lutte anti-contrefaçon, puis il existe aussi des organisations à l’échelle européenne et internationale.
L’Union européenne dispose de différents organes en charge de la lutte anti-contrefaçon. Comme par exemple, l’Office Européen de Lutte Anti-Fraude, l’Office de l’Union européenne pour la Propriété Intellectuelle, que j’évoquais précédemment, ou encore l’agence Frontex qui assure les contrôles aux frontières extérieures de l’Union européenne.
La stratégie de l’Union européenne est de protéger ses citoyens et consommateurs tout en préservant l’économie. Dans l’optique d’avoir une stratégie efficace de lutte anti-contrefaçon, la coopération entre les états membres et leurs services douaniers est nécessaire.
Pour aller même plus loin, une harmonisation des normes européennes sur le sujet est essentielle. Par exemple, la législation sur les services numériques votée en 2022, plus connue sous le nom de Digital Services Act (DSA), permet d’harmoniser la législation numérique européenne et d’amener les acteurs du e-commerce à prendre leurs responsabilités. Puisque l’essor des plateformes de commerce en ligne a intensément développé le trafic de contrefaçons.
J’ajouterais aussi que l’Union européenne respecte aussi les accords de l’Organisation Mondiale du Commerce et de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle.
En tant que citoyen, comment pouvons-nous limiter la production de biens contrefaits ?
À l’échelle du citoyen, la solution est de ne pas acheter de marchandises contrefaites.
Moins d’achats réalisés signifie moins de biens contrefaits produits.
Il est important de rappeler que produire ou revendre des marchandises contrefaites est un délit, mais détenir un objet de contrefaçon l’est aussi et est sanctionné par une amende et une confiscation par les services douaniers. Toutefois, de nombreux Européens ont acheté volontairement ou involontairement une contrefaçon.
J’insiste sur le terme involontairement, car il est parfois difficile de déceler une contrefaçon tant elles sont bien faites. Aussi, le développement du commerce en ligne a facilité l’accès aux marchandises de contrefaçon. Le consommateur doit alors être d’autant plus vigilant. Il est important de vérifier le lieu de vente, d’identifier le vendeur, de faire attention à un prix particulièrement bas, de vérifier si le produit ne présente pas de défauts et de vérifier les labels, les étiquettes ou encore les emballages.
Et surtout, si vous avez un doute évitez d’acheter ce produit, car ce dernier pourrait nuire à votre santé et il s’agit d’une concurrence déloyale vis-à-vis des entreprises en règle fabriquant ce produit de façon contrôlée.
On se retrouve la semaine prochaine pour nouveau podcast depuis Bruges.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.