Chaque semaine, la série de podcasts "L'Europe vue de Bruges" propose un éclairage original sur l’actualité européenne, vue depuis Bruges. Les intervenant·es sont des étudiant·es de la promotion Victoria Amelina, des Assistant·es académiques et, plus ponctuellement, des professeur·es.
Marco Nicolich est assistant académique au sein du Département d’études politiques et de gouvernance européenne du Collège d’Europe. Diplômé en droit en France et en Angleterre, il est également ancien étudiant du département de sciences politiques, qu’il a rejoint après avoir travaillé à la Commission européenne et dans le secteur du conseil.
Dans un document de 33 pages publié la semaine dernière, l’administration Trump affirme vouloir redonner de la « grandeur » à l’Europe, un continent qu’elle décrit comme en déclin économique et menacé par un « effacement civilisationnel ».
Merci Laurence, ces sont exactement les mots préoccupants employés dans ce document qui est traditionnellement publié au début de chaque mandat américain pour définir les grandes orientations politiques, budgétaires et stratégiques du pays.
Marco, pourriez-vous nous donner un bref aperçu du contenu de cette stratégie ?
Les critiques américaines visent l’Union européenne sous deux angles : interne et externe.
Sur le plan interne, Trump accuse les gouvernements européens, qu’il qualifie de « fragiles », de ne pas assurer la stabilité politique et économique. Il affiche en parallèle sa sympathie pour les partis nationalistes, défendant une vision « patriotique » de l’Europe. Selon lui, l’identité et la confiance du continent seraient fragilisées par une politique migratoire jugée trop permissive et par une remise en cause de la liberté d’expression.
Sur le plan externe, Washington critique les réglementations européennes et les relations économiques et énergétiques de l’UE, en particulier celles de l’Allemagne, perçue comme trop dépendante de la Chine et de la Russie.
En somme, l’administration Trump prend une position très directe et sans détour vis-à-vis de l’Europe.
Après une prise de position de ce type, on s’attendrait à une réponse tout aussi directe de la part de l’Union européenne…
La réponse est restée plutôt prudente. La présidente de la Commission n’a pas commenté officiellement la stratégie. Le président du Conseil européen, Antonio Costa, a toutefois dénoncé une ingérence américaine inacceptable dans les affaires européennes.
Au niveau national, le chancelier allemand Friedrich Merz a affirmé que la démocratie européenne n’a pas besoin d’être « sauvée » et que certaines accusations américaines sont « inacceptables ». À l’inverse, la Première ministre italienne Giorgia Meloni a accueilli favorablement la stratégie américaine, se disant globalement en accord avec son diagnostic et estimant que les relations transatlantiques ne sont pas menacées.
Ces réactions illustrent une division persistante au sein de l’Union européenne.
Quels scénarios voyez vous pour l’avenir ?
Trois grandes trajectoires semblent aujourd’hui se dessiner.
La première serait une prise de conscience européenne, menant à un renforcement du rôle de l’Union au sein de l’OTAN.
La deuxième passerait par une intégration plus poussée de l’Europe, notamment dans les domaines de la défense, de la politique étrangère et de l’énergie.
La troisième, à l’inverse, verrait une Europe rester toujours plus dépendante des États-Unis sur le plan politique, et d’autres puissances sur les plans énergétique et économique, ce qui pourrait conduire à ce que Mario Draghi appelle « l’insignifiance » progressive du continent.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.