Aux portes de l'UE

Le plan "ReArm Europe" face au désengagement des États-Unis

© European Commission - Europa.eu Le plan "ReArm Europe" face au désengagement des États-Unis
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Chaque semaine, Lyudmyla Tautiyeva nous propose un aperçu de ce qu'il se passe aux frontières de l'Union européenne, traitant de sujets divers tels que la gouvernance, l’entreprenariat, ou encore l'innovation.

La semaine dernière le Conseil européen a approuvé le plan « Réarmer l’Europe » présenté par la Commission européenne. Ce plan de 800 milliards d’euros est perçu comme une réponse de l’UE au désengagement des États-Unis de la défense de l’Europe et la suspension de l’aide militaire à l’Ukraine.  Quel est le but de ce plan et qu’est-ce qu’il prévoit concrètement ?

Ce plan ReArm Europe vise à répondre à la fois à l'urgence d'agir et de soutenir l'Ukraine suite à la suspension de tout aide militaire de la part des États-Unis la semaine dernière, mais aussi est une réponse à la nécessité à long terme pour l’Europe d'assumer une plus grande responsabilité pour sa propre défense et sécurité.

Ainsi, le plan prévoit de mobiliser 800 milliards d’euros pour renforcer la défense européenne. Plus concrètement, il permettra aux États membres d’accroître leurs dépenses de défense à l’aide d’une marge budgétaire de 650 milliards d’euros sur quatre ans en dérogeant aux règles budgétaires. Ensuite, le plan prévoit d’accorder 150 milliards d’euros de prêts aux États membres pour leurs investissements dans le secteur de la défense, y compris les achats communs d’équipements et les investissements dans la production de l’armement. Ce sont ces prêts que les États membres vont pouvoir utiliser pour acheter des équipements pour l’Ukraine et renforcer leur soutien militaire au pays en guerre.

En parlant de la production militaire européenne, quelles sont les capacités actuelles de l’UE et quel est le but recherché par les européens ?

Selon la toute première stratégie industrielle de défense européenne présenté par la Commission en mars dernier, l’UE vise à acheter au moins la moitié d’équipements de défense fabriqués en Europe. En 2022-2023, près de 80 % des acquisitions militaires réalisées par les États membres provenaient de l’extérieur de l’UE avec les États-Unis en tête de file - deux tiers d’équipements achetés par les européens provenait des industriels américains.

L’insuffisance des capacités de production, la faiblesse des coopérations et des acquisitions communes d’équipement militaire au sein de l’UE sont parmi des raisons principales cités par des experts dans le domaine de la dépendance de l’Europe des États-Unis. Le plan ‘ReArm Europe’ cible ces faiblesses et vise à relever le défi d’augmentation des investissements et des dépenses européens dans le domaine de la défense.

Malgré ce plan de l’UE de 800 milliards d’euros, il semble quand même difficile pour l’Europe de substituer l’aide militaires américaine à l’Ukraine et de pourvoir booster les industries de défense européenne…

En parlant de ce plan ‘ReArm Europe’, Antonio Costa, le président du Conseil européen a souligné que les États membres ont « décidé de viser beaucoup plus haut (en termes du montant), guidés par un nouveau sentiment d’urgence (la décision des États-Unis d’arrêter l’aide militaire à l’Ukraine) ». Le plan a été voté par tous les 27 états membres, y compris la Hongrie, qui bloque souvent les décisions sur la défense et le soutien à l’Ukraine. L’UE ainsi a fait preuve de sa capacité d’agir dans les conditions d’urgence en prenant la décision stratégique pour la défense du continent européen malgré les dissentions internes.

Maintenant, la mise en œuvre de ce plan va prendre du temps, du temps qui coute très cher pour l’Ukraine. Alors que le dispositif sur le prêt commun prévu par le ‘ReArm Europe’ va permettre de fournir rapidement certains équipements à l’Ukraine, établissement de chaines de production européennes avec des capacités nécessaires est une affaire de plusieurs années. En même temps, l’Ukraine augmente sa propre production des armes, y compris avec des financements des alliés européens selon le modèle ‘danois’, avec un tiers d’armes actuellement produits en Ukraine. Ainsi, l’Europe plus autonome et plus forte passe par le renforcement de sa coopération avec l’Ukraine en industrie de défense.

Un entretien réalisé par Laurent Pététain.