Aux portes de l'UE

Les infrastructures énergétiques ukrainiennes visées par les frappes russes à l’approche de l’hiver

Photo de Shavr IK sur Unsplash Les infrastructures énergétiques ukrainiennes visées par les frappes russes à l’approche de l’hiver
Photo de Shavr IK sur Unsplash

Chaque semaine, Lyudmyla Tautiyeva nous propose un aperçu de ce qu'il se passe aux frontières de l'Union européenne, traitant de sujets divers tels que la gouvernance, l’entreprenariat, ou encore l'innovation.

Le 10 octobre, une frappe majeure a visé les infrastructures énergétiques de l’Ukraine. A Kyiv, la capitale, l’électricité a été coupée pendant plusieurs heures, et l’eau courante a aussi été perturbée. Avec l’hiver qui approche, peut-on dire que cette attaque rappelle la stratégie du Kremlin de l’an dernier : plonger les ukrainiens dans le froid et le noir pour affaiblir le pays ?

Et pourtant les Ukrainiens ont tenu ! Et oui, vous avez raison de souligner que ces frappes relèvent de la stratégie russe délibérée. Elle consiste à viser les installations énergétiques surtout dans les régions situées en première ligne de front et dans la capitale pour plonger ces populations dans le noir et le froid alors que les températures baissent et tout le monde s’attend à avoir le chauffage chez soi.

Dans la nuit du 10 octobre, la Russie a lancé 32 missiles et 465 drones. Les défenses aériennes ukrainiennes ont intercepté 420 cibles mais 13 missiles et 60 drones ont atteint leurs objectifs. Résultat : dix installations énergétiques à travers le pays ont été endommagées, des incendies, des coupures d’électricité et des perturbations de l’eau courante. À Kyiv, la rive gauche était privée d'électricité pendant plusieurs heures. Des réparations et des coupures d'électricité d'urgence ont permis de rétablir le courant vers la fin de la journée.

Alors que les frappes russes sur les infrastructures ukrainiennes pourraient s’intensifier dans les prochaines semaines, une question inquiète : comment l’Ukraine va-t-elle faire face à de possibles coupures d’électricité ?

D’abord, en renforçant sa défense anti-aérienne. C’est la priorité absolue. La ministre ukrainienne de l’Énergie Svitlana Grynychuk a souligné, lors d’un appel d’urgence avec les ministres du G7, que son pays avait un besoin de systèmes de défense supplémentaires pour protéger les infrastructures critiques.

Ensuite, l’Ukraine parie sur une solution plus innovante : un réseau de grandes batteries électriques, fabriquées aux États-Unis, et installés dans des lieux tenus secrets. Ces batteries servent à stabiliser le réseau et assurer une alimentation continue même quand des centrales sont touchées par des frappes. Six sites sont déjà raccordés au réseau électrique national et peuvent aider à éviter les coupures de courant généralisées.

Enfin, l’Ukraine devra importer davantage de gaz naturel pour tenir cet hiver. Après une frappe massive le 3 octobre contre les installations gazières de Kharkiv et Poltava, 60 % de la production nationale du gaz naturel a été détruite. Le pays devra donc acheter pour près de deux milliards d’euros de gaz à l’étranger. La ministre Svitlana Grynychuk négocie actuellement une hausse de 30 % des importations, notamment avec les partenaires européens et américains. Le soutien au secteur énergétique sera d’ailleurs un sujet clé lors de discussions de haut niveau entre Kyiv et Washington prévues la semaine prochaine à Washington.

Et qu’en est-il du nucléaire ? Le pays dispose de cinq centrales, dont celle de Zaporizzya, la plus grande d’Europe — désormais sous contrôle russe. Une situation qui continue d’alimenter les inquiétudes quant à la sécurité énergétique et nucléaire de l’Ukraine…

Oui, mais la situation y est dramatique. La centrale de Zaporizzya est occupée par les forces russes depuis mars 2022. Elle est militarisée, les équipes ukrainiennes sur place ont été prises en otage pour faire fonctionner la centrale mais elle ne fournit plus d’électricité à l’Ukraine. 
Depuis le 23 septembre, la centrale de Zaporizzya n’est plus reliée au réseau électrique à cause d’une frappe sur la ligne d’alimentation et l’électricité pour son fonctionnement vient des générateurs diesel de secours. Mais ces générateurs ne sont pas faits pour fonctionner aussi longtemps — or, cela fait maintenant plus de deux semaines. C’est une situation extrêmement risquée, non seulement pour l’Ukraine, mais aussi pour la sécurité nucléaire de toute l’Europe.

L’Ukraine trouvera, une fois de plus, les moyens de résister à un nouvel hiver grâce à son inventivité, sa résilience et le soutien de ses partenaires. Cependant, ce que Poutine fait en Ukraine est une démonstration de ce qu’il est capable de faire ailleurs s’il s'en donne des moyens. Et, en parlant de moyens : selon une étude de Greenpeace, depuis 2022 la France, la Belgique, l’Espagne et les Pays-Bas ont dépensé plus d’argent pour importer du gaz naturel liquéfié russe que pour soutenir l’Ukraine. Au total, plus de 30 milliards d’euros de revenus énergétiques qui ont contribué à financer la guerre de Poutine en Ukraine.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.