Aux portes de l'UE

La coalition des volontaires se retrouve à Kyiv pour imposer un ultimatum à la Russie, un cessez-le-feu de 30 jours

© Number 10 de Flickr La coalition des volontaires se retrouve à Kyiv pour imposer un ultimatum à la Russie, un cessez-le-feu de 30 jours
© Number 10 de Flickr

Chaque semaine, Lyudmyla Tautiyeva nous propose un aperçu de ce qu'il se passe aux frontières de l'Union européenne, traitant de sujets divers tels que la gouvernance, l’entreprenariat, ou encore l'innovation.

Le 10 mai, les chefs d’État, parmi lesquels le président français Emmanuel Macron, le chancelier allemand Friedrich Merz, le Premier ministre britannique Keir Starmer et le Premier ministre polonais Donald Tusk, se sont réunis à Kiev pour le sommet de la coalition des volontaires, une initiative européenne visant à renforcer le soutien militaire à l’Ukraine. Aux côtés du président ukrainien Volodymyr Zelensky, ils ont annoncé un cessez-le-feu inconditionnel de 30 jours à compter du lundi 12 mai. Dès lors, une question se pose : quel est l’intérêt d’annoncer cette mesure ce samedi, alors que l’idée d’une trêve temporaire n’est ni nouvelle, ni, jusqu’à présent, acceptée par Moscou ?

L’idée d’un cessez-le-feu de 30 jours pour passer à la table des négociations sur les conditions de paix en Ukraine n’est effectivement pas nouvelle. Datant du mois de mars, elle provient des États-Unis et de leurs discussions avec les délégations ukrainienne et russes en Arabie Saoudite. Cette proposition du cessez-le-feu a été de fait rejetée par les Russes, qui ont en revanche proposé des cessez-le-feu courts autour des fêtes comme Pâques et la journée du 9 mai qui fête la victoire de la Russie face aux allemands lors de la deuxième guerre mondiale en Russie, qu’ils ont eux-mêmes violés par la suite.

Ce qui change cette fois-ci c’est le contexte dans lequel l’annonce est faite et sa nature.

Pour situer le contexte, cette décision intervient alors que Trump, après 100 jours au pouvoir, s’inquiète voire s’impatiente de ne pas avoir réussi à se mettre d’accord avec Poutine pour arrêter la guerre en Ukraine.

Plus encore, l’annonce a été faite un jour après que Vladimir Poutine est réuni 28 chefs et représentants d’états étrangers, dont le président chinois Xi Jinping, à Moscou pour le défilé militaire du 9 mai. Lors de cet évènement, Poutine a démontré le soutien de la Chine dont il bénéficie et sa volonté de continuer la guerre contre le *nazisme* en Ukraine.

Et pour ce qui est de la nature de cette décision d’une trêve, cette fois-ci l’Europe a su s’imposer dans les négociations pour la paix et le cessez-le-feu a pris la forme d’un ultimatum imposé par les Européens, les Américains et les Ukrainiens à la Russie qui insiste sur l’ouverture des négociations de paix sans un cessez-le-feu préalable. Il est question donc de garder l’avantage en continuant de bombarder des villes ukrainiennes et d’avancer sur le front.

Dit moi Lyudmyla, comment le Kremlin a t-il réagit à cet ultimatum et l’Europe dispose-t-elle réellement de moyens concrets pour exiger à la Russie un cessez-le-feu ?

Poutine, en se prononçant tard ce samedi sur le bilan des festivités du 9 mai, a proposé à l’Ukraine de se retrouver en Turquie le jeudi 15 mai pour commencer les négociations sur une possible paix. Aucun mot sur le cessez-le-feu euro-ukrainien ni aucune date proposée n’ont été communiqués par Poutine, ce qui semble être un choix délibéré pour montrer que la Russie ne cherche absolument pas à répondre à cet ultimatum. En revanche, la Russie s’est sentie obligée de montrer une posture plus conciliante face aux Etats-Unis qui doutent de plus en plus du sérieux et de la volonté de la Russie d’arrêter cette guerre et menacent de sortir des négociations.

En ce qui concerne les moyens de pression amenant la Russie à accepter le cessez-le-feu, Emmanuel Macron a parlé de sanctions européennes massives en coordination avec les États-Unis si la Russie rejette la proposition. L’Union européenne a terminé la préparation 17ème paquet de sanctions contre la Russie. Un travail similaire a été fait et aux États-Unis avec des sanctions financières et bancaires en vue.

Un élément important de pression concerne le renouvellement de livraison et de vente d’armes à l’Ukraine par les Etats-Unis ainsi que la promesse de 2 milliards d’euros d’aide militaire européen pour l’Ukraine. Cela montre l’engagement perpétuelle des Européens envers l’Ukraine alors que Poutine comptait sur l’affaiblissement voire l’arrêt total de ce soutien pour obtenir des conditions de paix à son avantage et ainsi mettre fin à la souveraineté ukrainienne.

Face au rejet total par Vladimir Poutine d’un cessez-le-feu de 30 jours et à sa contre-proposition d’ouvrir des négociations en Turquie ce jeudi, quelle a été la réaction de l’Ukraine et des pays européens ?

Le Président Zelensky a accepté cette proposition. Il a même proposé de rencontrer Poutine à Istanbul ce jeudi. Le Président Trump a annoncé vouloir se rendre en Turquie également. En parallèle, les leaders européens ont continué de mettre la pression sur Poutine pour qu’il accepte le cessez-le-feu avant toute négociations en Turquie. La Commission européenne a même menacé d’introduire des sanctions contre le consortium qui gère le projet du gazoduc russe NordStream 2 si la Russie ne se plie pas aux conditions du cessez-le-feu.

Cette semaine s’annonce décisive pour connaître les véritables intentions de la Russie quant à la paix en Ukraine. Cela ne sera surement pas surprenant de voir que la Russie continue sa rhétorique de la paix et la poursuite de la guerre dans les faits.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.