Chaque semaine, Lyudmyla Tautiyeva nous propose un aperçu de ce qu'il se passe aux frontières de l'Union européenne, traitant de sujets divers tels que la gouvernance, l’entreprenariat, ou encore l'innovation.
Dimanche 28 septembre, les citoyens moldaves ont été appelés à voter pour élire les 101 députés de leur Parlement. La présidente du pays, Maia Sandu, a qualifié ce scrutin de « crucial » pour l’avenir de la Moldavie.
Dans son discours face au Parlement européen le 9 septembre, la présidente Moldave Sandu a appelé ces élections parlementaires "cruciales" dans l’histoire du pays car c’est là que se décide le futur de la Moldavie, selon elle. Ce futur était soit au sein de la famille européenne, soit dans la sphère d’influence russe.
Dimanche 28 septembre, le parti pro-européen de Maia Sandu - Action et Solidarité (PAS), a affronté des forces pro-russes représentées essentiellement par le Bloc patriotique de l’ancien président Ihor Dodon et le bloc « Alternatif » du maire Chisinau Ion Cheban. Les résultats du lundi 29 septembre témoignent de la victoire de l’Action et Solidarité qui a la majorité au Parlement. Cela est une véritable victoire de la démocratie alors qu’une telle issue du scrutin n’était pas du tout donnée.
Comme lors des précédentes élections (les présidentielles de 2024), ces élections législatives ont été marquées par l’ingérence russe en faveur des forces politiques pro-Kremlin et la discréditation des soutiens pro-européens. Cette fois ci, par contre, les tentatives de la déstabilisation démocratique ont pris une nouvelle ampleur.
Qu’est-ce qui est différent, cette fois-ci, dans la manière dont la Russie a tenté d’influencer les élections en Moldavie ?
Premièrement, l’arsenal des armes déployées par le Kremlin qui est devenu plus sophistiqué. Dans cet arsenal on trouve : le financement massif des partis pro-russes, l’achat direct des votes, des campagnes de désinformation en ligne et la manipulation des réseaux sociaux. Cette fois-ci ces techniques étaient davantage renforcées par des moyens digitaux importants comme l’utilisation de l’IA pour générer des deepfakes et de la désinformation, ou les paiements par Telegram pour la corruption électorale (rendre les paiements moins traçables).
La récente enquête de la BBC illustre les moyens peu couteux mais efficaces employés par le Kremlin pour propager des informations mensongères sur TikTok. Avec un peu plus de cent euros par mois par compte et 90 comptes sur TikTok la désinformation a atteint 23 millions de vues et 800 mille likes – considérable pour la population de 2,4 millions en Moldavie.
Deuxièmement, l’enjeu a été très important dans le climat de l’intimidation russe des pays de l’OTAN en Europe et de la guerre en cours en Ukraine. Faire en sorte que les partis pro-russes viennent au pouvoir en Moldavie était un moyen pour le Kremlin de transformer la Moldavie en tremplin des attaques hybrides contre l’UE et un risque permanent pour la sécurité européenne.
Plus encore, la Moldavie est un hub logistique important pour l’Ukraine et le soutien militaire des européens au pays en guerre. La route qui lie la Moldavie et Odessa au sud de l’Ukraine est critique pour les exportations ukrainiennes vers l’UE mais aussi le transit des équipements militaires. Bloquer ce transit-là par une décision d’un gouvernement pro-russe éventuel aurait joué en faveur du Kremlin et aurait mis la pression sur l’économie ukrainienne affaiblie par la guerre.
Même si la Russie a exercé une forte pression, les Moldaves ont choisi de soutenir l’Europe lors de cette élection importante.
Oui, et on pourrait s’en féliciter. La victoire des forces démocratiques et pro-européennes en Moldavie est aussi une victoire de la démocratie en Europe et la preuve que le soft power de l’UE a de la valeur et du poids. Le duo Ukraino- Moldave, comme il est souvent appelé, va pouvoir avancer dans son chemin de l’intégration dans l’UE.
Cependant, la Russie s’est montrée déterminée et capable d’employer tout son arsenal de désinformation et de propagande pour déstabiliser et discréditer les processus démocratiques dans n’importe quel pays européen. Les élections présidentielles en Roumanie l’année dernière en témoignent, comme d’autres cas d’ingérence russe dans nos démocraties.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.