Plongée dans les océans - Sakina Ayata

Le traité des Nations Unies sur la haute mer (BBNJ)

Photo de matthardy sur Unsplash Le traité des Nations Unies sur la haute mer (BBNJ)
Photo de matthardy sur Unsplash

"Plongée dans les océans", la chronique hebdomadaire qui vous transporte dans la faune et flore marine présentée par Sakina-Dorothée Ayata, maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université.

Sakina, cette semaine vous allez nous parler du traité des Nations Unies sur la haute mer.

Oui, il s’agit – pour être précise - de l’« Accord des Nations Unies sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale ». Cet accord est aussi appelé « Accord BBNJ » pour Biodiversity Beyond National Jurisdiction, en anglais (biodiversité au-delà de la juridiction nationale). On l’appelle aussi plus simplement le traité des Nations Unies sur la haute mer.

Qu’est-ce que la haute mer ?

La haute mer désigne l’ensemble des océans situé au-delà des juridictions nationales, c’est-à-dire généralement au-delà de 200 miles nautiques des côtes, soit environ 370 km. Cette haute mer correspond aux 64% des océans qui sont en dehors de la juridiction des états, dont font par exemple partie les Zones Économiques Exclusives ou ZEE. La haute mer, c’était un peu le Far West jusqu’ici, car aucune réglementation ne protégeait sa biodiversité. Dorénavant, la biodiversité située en haute mer va bénéficier d’une protection internationale coordonnée.

Comment ça marche ?

Ce traité se rapporte à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM). Il a été adopté en 2023, après près de deux décennies de négociations. Mais pour entrer en vigueur, il fallait que plus de 60 pays ou entités de l’Organisation des Nations Unies le ratifient. C’est chose faite depuis septembre 2025 : le traité BBNJ entrera donc en vigueur en janvier 2026.

Et que contient ce traité de protection de la haute mer ?

Il couvre quatre points centraux. Tout d’abord : l’utilisation et le partage justes et équitables des ressources génétiques marines, avec la mise en place d’un système d’accès aux données de séquençage. Puis : la création d'aires marines protégées en haute mer et la mise en place d’autres outils de gestion et de protection de la biodiversité. Il y a également : la mise en place d’études d'impact environnemental, pour toute activité humaine susceptible d'affecter l'environnement marin, comme l’extraction minière en haute mer. Et pour terminer : le transfert de technologies marines vers les pays en développement et le renforcement de leurs capacités. Cet accord complète ainsi le cadre juridique global de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM).

Si je comprends bien, ce traité va en effet révolutionner la gouvernance des océans. Mais comment ça va se passer, concrètement ?

La mise en œuvre de cet accord sera suivie et évaluée par la Conférence des Parties, ou COP BBNJ. Cet organe décisionnel se réunira tous les ans pendant les 5 prochaine années. La première COP BBNJ au lieu à New York fin 2026. Si un ou plusieurs états souhaitent, par exemple, proposer la création d'une aire marine protégée en haute mer, cette proposition sera évaluée par le secrétariat en charge du Traité sur la haute mer et son Organe scientifique et technique. Après validation, c’est la Conférence des Parties qui prendra la décision de la création de cette aire marine protégée. Les décisions seront prises par consensus, ou bien par majorité qualifiée des trois quarts des Parties présentes et votantes. Les premières Conférences des Parties devront préciser les modalités de fonctionnement concrètes de ce traité, mais aussi encourager l'engagement d'autres États, et surtout définir les mécanismes de financement nécessaires à sa mise en œuvre.

Ce traité sur la biodiversité en haute mer arrive à point nommé.

En effet ! L'océan subit actuellement une triple crise qui le bouleverse en profondeur : le changement climatique, la pollution et la perte de biodiversité. Les activités humaines induisent de nombreuses pressions sur l’océan, comme à travers la surpêche, le développement du transport maritime, ou les risques liés à l'exploitation minière. Pourtant, les océans et la biodiversité qu’ils hébergent demeurent encore trop peu étudiées. Or, comme l’a souligné le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, : « La santé des océans est la santé de l'humanité ». Selon lui, la mise en œuvre de ce traité est donc un « accomplissement historique pour l’océan ».

Pourquoi ?

Et bien il s’agit d’une étape importante dans la gouvernance internationale et multilatérale des océans. Elle traduit une volonté collective de protéger nos océans et leur biodiversité. En effet, l’océan joue un rôle crucial dans la régulation du climat, la production d’oxygène, la séquestration du carbone et la limitation de l’effet de serre, mais aussi dans la sécurité alimentaire et le bien-être des populations humaines. Pour la première fois, les États se sont mis d’accord pour travailler ensemble à la protection des océans, tout en réglementant les activités humaines qui pourraient l’impacter, et en intégrant les connaissances scientifiques et traditionnelles dans la prise de décision. A suivre, donc !

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.