L'information pour le monde suivant

Quel est le sens de l'information ?

Quel est le sens de l'information ?

Stressé par l’actu ? Perdu dans la jungle des médias ? Accro aux flux d’info inutiles ? Le groupe de réflexion IMS, Information pour le monde suivant, se penche sur les enjeux actuels et futurs de l’information sur euradio.

Dans ce cinquième épisode, Didier Pourquery, vice-président de l’IMS, se penche sur le sens de l’information. Dans le monde très codé de la cybernétique, l’information est cet élément qui permet aux systèmes d’échapper à l‘entropie : face au risque de désordre, elle contribue à leur donner un sens. Qu’en est-il de l’information d’actualité dans le monde médiatique ?

L’information qui nous parvient jour après jour, voire en flux continu, a-t-elle un sens, une signification, une direction ? Nos contemporains se le demandent de plus en plus, tandis qu’ils se trouvent submergés d’informations, soumis parfois à un véritable stress informationnel, gavés de « mal-infos », d’infox et d’infos en boucle…

Depuis la création de la presse, nous dit Didier Pourquery, les éditorialistes sont chargés de résoudre ces angoissantes questions. Pendant longtemps, ils se sont appliqués à plaquer sur l’actualité une grille idéologique, progressiste, réactionnaire, royaliste ou marxiste.

Les journaux du XIXème siècle comme ceux de la plus grande partie du XXème fonctionnaient ainsi, observant l’histoire en train de se faire, à travers le prisme déformant des préjugés politiques. C’était bien commode : le public ravi, déjà acquis aux idées de « son journal » trouvait dans les éditos de quoi se conforter dans sa façon de voir le monde. Les cogniticiens nomment cela le « biais de confirmation ». Les idées tournaient ainsi dans une boucle bien fermée.

De quel « sens » parle-t-on aujourd’hui ?

Le citoyen submergé d’informations souhaite avant tout les comprendre. Relisons ce qu’écrivait Edgar Morin en 1997 : « Il faudrait aussi savoir méditer et réfléchir afin de ne pas subir cette pluie d’informations nous tombant sur la tête, chassée elle-même par la pluie du lendemain et ainsi sans trêve, ce qui ne nous permet pas de méditer sur l’événement présenté au jour le jour, ne nous permet pas de contextualiser et de le situer.

Réfléchir, c’est essayer, une fois que l’on a pu contextualiser, de comprendre, de voir quel peut être le sens, quelles peuvent être les perspectives. Encore une fois, pour moi, la ligne de force d’une sagesse moderne serait la compréhension. » (Amour, poésie, sagesse, Edgar Morin, Seuil 1997).

Or, plutôt que d’essayer d’apporter cette compréhension, les médias sociaux nous submergent de commentaires et d'opinions. Par voie de conséquence, les éditorialistes traditionnels font face au risque de la banalisation. La fin des idéologies (de certaines d’entre elles du moins), la complexification du monde et sa globalisation, rendent périlleux l’art de « l’édito » au jour le jour.

Il semble que désormais le seul fait d’avoir son nom en tant qu’éditorialiste dans un média (argument d’autorité) ne suffit plus à garantir, pour le lecteur, la qualité du commentaire. Nous vivons dans un monde où la défiance (méfiance généralisée) est omniprésente face aux médias en général et aux « éditocrates » en particulier. Ceux-ci, tenus pour exister d’apparaitre sur tous les plateaux audiovisuels afin de donner instantanément leur avis sur tous les sujets, ont largement été démonétisés.

Comment dès lors donner du sens à l’information ?

En allant chercher l’expertise réelle sur chaque sujet là où elle se trouve et en la présentant sous forme d’analyse (news analysis), en la distinguant bien de toute opinion trop personnelle. Enseignants-chercheurs spécialisés, chercheurs-analystes d’organismes de recherche et de think-tank, professionnels d’un secteur doivent être mobilisés pour cet exercice, à condition qu’ils jouent la transparence sur leurs liens d’intérêt bien évidemment.

C’est ainsi que le déluge d’informations, d’enquêtes, de reportages pourra être mis en perspective (historique, géographique, économique, etc.), puis décrypté correctement. Cela demande de la part des « commentateurs » d’accepter de redevenir des journalistes spécialisés menant un travail de recherche et de validation de sources d’expertise, puis de partage de cette expertise de la façon la plus accessible possible. Un travail de journalisme finalement.

Entretien réalisé par Laurence Aubron et Cécile Dauguet.

https://usbeketrica.com/fr/article/l-information-pour-le-monde-suivant-le-sens-de-l-information