L'information pour le monde suivant

Comment distinguer une information d’une fiction ?

Comment distinguer une information d’une fiction ?

Stressé par l’actu ? Perdu dans la jungle des médias ? Accro aux flux d’info inutiles ? Le groupe de réflexion IMS, Information pour le monde suivant, se penche sur les enjeux actuels et futurs de l’information sur euradio.

Dans ce deuxième épisode, Patrick Busquet, Président d’IMS , s’interroge : nos échanges seraient-ils devenus une Babel dans laquelle nous employons tous les mêmes mots, mais avec des sens différents ? Et si nous essayions de nous comprendre...

« Hier soir vers 19 heures, j’ai vu M. Dupont. Il était vêtu d’un costume élégant, ce qui est inhabituel. Il téléphonait et avait l’air joyeux. Il a pris son véhicule puis il est parti… »

Ce propos ordinaire est une narration. Une narration qui relate un fait de la vie de M. Dupont. Cette narration, fondée sur le témoignage, est informationnelle. Elle injecte un élément nouveau dans le réel que partagent des voisins, des collègues de travail. Il se pourrait que cette narration construise un récit sur la vie du quartier, avec des éléments qui s’agrègeront.

Nous produisons tous de la narration, nous participons à l’émergence de récits, fondés sur du réel ou imaginaires.

Un récit, c’est un thème mis en feuilleton et qui prend de l’importance. Produits par les médias, les récits le sont aussi par les citoyens depuis que les technologies individuelles de communication nous ont transformés en producteurs et diffuseurs. Ils sont façonnés avec des matériaux divers : des fictions, des manipulations, des opérations de communication, des informations…

Ces actes narratifs créent du réel.

Une campagne électorale est un grand récit, mitoyen d’une fiction. Éphémère, il anime néanmoins la vie de la société.

Mais alors quoi ?

Si nos productions narratives produisent du réel, en le façonnant ou en le transformant, on pourrait s’abandonner dans un à-quoi-bonisme : vrai et faux fabricant de la réalité, alors, comment et pourquoi agir s’interroge Patrick Busquet ?

La confusion la plus courante est celle entre communication et information. La communication est un geste narratif, très humain et très perfectionné. C’est celui d’une entreprise qui publie ses résultats sous un angle flatteur ; d’un citoyen qui s’enorgueillit d’une société qui lui a proposé un emploi à forte responsabilité alors qu’il s’est épuisé à envoyer des CV, susciter des rendez-vous, figurer dans des soirées pour l’obtenir, ou encore d’une ONG qui valorise sous forme de belles histoires ce qu’elle fait, etc. Bref, de tout le monde.

Si elle peut véhiculer des informations, des connaissances, la communication se distingue par son orientation.

Elle sert toujours un intérêt particulier. Elle intervient beaucoup par fabrication d’histoires, de légendes. Les amateurs de rugby à XV connaissent la légende de Webb Ellis, ce joueur anglais qui, lassé de jouer au football, aurait pris le ballon dans les mains et l’aurait déposé derrière les buts, donnant naissance au jeu de rugby. Webb Ellis est statufié.

Or, c’est faux.

Pierre Rivera le raconte dans son livre Essai en coin sur le rugby (Editions La Biscouette) : ce jeu a bien été inventé dans la ville de Rugby en Angleterre, mais par le pasteur Thomas Arnold, directeur de la Public School de cette ville. Il en a imaginé les règles de base pour faire vivre ensemble des grands maladroits, des gros qui ne courent pas vite, des maigres agiles, des petits rusés, etc.

Les légendes érotisent le réel. Elles vivent plus confortablement que des informations. C’est de la communication, dit encore Patrick Busquet.

L’information, quant à elle, répond à un intérêt général. Il s’agit d’un contenu qui délivre de la compréhension, de la connaissance, du discernement, de l’aide au choix, à l’autonomie. D’un contenu vérifié. Reprenons l’exemple du rugby : les Néo-Zélandais, les All Blacks, sont les meilleurs joueurs au monde, pourquoi ? Peut-être parce qu’ils ont maintenu ce jeu dans l’univers éducatif, dans leurs écoles depuis le plus jeune âge et, qui plus est, en harmonie entre communautés culturelles différentes.

Et donc que faire et comment ?

À partir d’un fait, nous pouvons produire deux types de narrations : l’une communicante, avec plus ou moins de trituration du réel, voire d’artificialisation ; l’autre informationnelle, au plus près du réel, se déployant dans un esprit d’éveil au service du plus grand nombre.

Tout contact avec un contenu nous invite à regarder si les sources sur lesquelles il s’appuie sont citées, si elles sont recoupées, si elles sont sérieuses, si des voix expertes les confirment ou bien les infirment. Si ce n’est pas le cas, à procéder à la vérification de ce qui est dit, proposé, exposé, affirmé. Il faut rechercher la démonstration par la preuve.

À nous livrer à un doute créateur et, si nous le pouvons, à expérimenter ce dont nous prenons connaissance. C’est au prix de cet effort que la confiance se renforce, que le discernement nous permet de regarder les enjeux et les situations avec plus de justesse, conclut Patrick Busquet.

Entretien réalisé par Laurence Aubron et Cécile Dauguet.

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