Cette semaine, nous nous intéressons à la suisso-algérienne Flèche Love.
Chapitre 1. Flèche Love, une musique qui vise le cœur
Amina Cadelli, alias Flèche Love, vient d'une famille mélomane - suisse, par son père, et algérienne, par sa mère. Fascinée par la puissance des mots, enfant elle souhaite devenir avocate et changer le monde. Elle choisira finalement la musique pour faire vibrer ses mots. Elle part étudier l'ethnologie et sciences des religions à l'Université de Neuchâtel, en Suisse, mais arrêtera tout avant l'obtention de son diplôme pour se consacrer à la musique. Car la musique, elle n'a jamais arrêté d'en faire. Elle a débuté les cours de chant en 2006, à 16 ans, travaille la musique classique et baroque au conservatoire, et joue les soirs dans des jazz session. Des expériences musicales qui la façonneront, de sa technique vocale hors pair, à son goût pour l'improvisation et le lyrisme.
Flèche Love nous présente une soul électronique aux multiples influences, du rap au métal, en passant par le classique et l'électro. Avec sa voix chaude et profonde, elle chante des textes qu'elle écrit en anglais, en français, en arabe, en espagnol ou en portugais. Enfin, elle habille ses mots avec des chœurs, des cordes, des rythmes tribaux ou encore des intonations orientales. Car pour Flèche Love, la musique est un terrain d'expérimentation. Son projet musical se concrétise en 2019, avec son premier album Naga pt. 1, puis en 2021 sort son deuxième album, Naga pt. 2. Ecoutons True Love, extrait du premier album de la musicienne.
Nous l'avons entendu : Flèche Love, c'est un véritable tourbillon d'émotions fortes qui visent le cœur. Et c'est d’ailleurs ce que raconte la chanson que nous venons d'écouter : « Le véritable amour est la raison pour laquelle je suis ici ».
Chapitre 2. Flèche Love, musicienne et scientifique
Dans le travail de Flèche Love, les références scientifiques sont nombreuses : par exemple l'astronomie, le biomimétisme ou la physique quantique. La chanteuse s'inspire aussi des sciences humaines qu'elle a étudié à l'université, comme l’ethnologie et la science des religions. Elle le dit elle-même, si elle n'avait pas été musicienne, elle serait sûrement devenue scientifique. Son intérêt pour l'ethnologie apparaît par exemple dans la chanson Festa Tocandira qui parle d'un rituel chamanique d'Amazonie qui impose aux hommes de démontrer leur virilité. Elle se sert ici de cette référence pour porter une réflexion sur la virilité et la toxicité de ce concept.
La chanteuse est également fascinée par les sciences naturelles. Ainsi, le titre Acherontia Atropos vient du nom d'un papillon qui porte le motif d'une tête de mort sur ses ailes. Elle décide d'écrire la chanson Encaladus après être tombée sur un colloque scientifique consacré à l'hormone ocytocine, présente dans le liquide amniotique dans le ventre des mères, et qui agit sur les liens affectifs et la mémoire de l'enfant. Ainsi, dans Encaladus Flèche Love soutient que cette hormone nous ferait oublier nos vies antérieures.
Chapitre 3. Flèche Love, un voyage au cœur du spirituel
Flèche Love aime naviguer entre les spiritualités. L’œuvre qu'elle nous propose est marquée par sa passion pour le mysticisme et ses interrogations métaphysiques. On y trouve des inspirations provenant de la mythologie grecque et japonaise, du chamanisme, du christianisme, de l’hindouisme et du soufisme. "Naga pt 1" – le titre de son premier album – est tiré du nom des êtres mythiques de l’hindouisme, moitiés hommes et moitié serpents. Le nombre de titres de son deuxième album – "Naga Pt. 2" - n'est pas un hasard : 7 comme les 7 chakras. Ce deuxième album possède un aspect encore plus spirituel et métaphysique que le premier. On y trouve, la chanson Encaladus qui aborde le sujet des vies antérieures, un sujet qui fascine beaucoup la chanteuse et qu'on retrouve dans d'autres chansons comme dans Acherontia Atropos, qui nous parle de deux êtres se retrouvant après avoir vécu plusieurs vies : « J'ai marché milles vies / Avec le goût de ton âme sur ma langue / Et l'odeur de ton amour dans mon cœur ».
Son attachement au mysticisme s'inscrit jusque sur sa peau, recouverte de tatouages berbères, lié à un ensemble de rites ancestraux pratiqués par ces ancêtres du côté de sa amère. Elle s'est aussi tatouée un squelette de serpent, symbole de fertilité, ou encore une grenouille, symbole de magicienne. Car Flèche Love se dit sorcière, et se retrouve dans le féminin-divin présent dans le mythe de la sorcière, aujourd'hui réapproprié et rattachée à la puissance féminine. Écoutons Bruja, qui signifie « sorcière » en espagnol.
Chapitre 4. Flèche Love, un amour engagé
Avec sa musique, Flèche Love nous embarque dans une réflexion sur l'humain et la société. Ses préoccupations scientifiques et spirituelles l'amène à aborder des interrogations à la fois personnelles et universelles. Ses textes nous parlent toujours d'amour, sous des formes différentes, et partagent un message à la fois sensible et engagé. Comme la chanson Mitote, de son deuxième album Naga pt 2,quiévoque l’amour de soi et de son importance pour aimer l'autre. C'est aussi un message sur la quête de soi et d'apprendre à se mettre à nu pour se trouver soi-même.
Flèche Love, c'est aussi un amour de la Femme, avec un F majuscule. Très engagée dans le féminisme, elle questionne beaucoup la féminité et de la masculinité dans notre société. Le féminisme est un combat qu'elle mène au quotidien, rappelant que c'est un combat porté différemment par chacun et chacune. Avec sa chanson Sisters, sur un texte de la poète américaine féministe du XXe siècle Audre Lorde, Flèche Love célèbre la sororité.
Chapitre 5. Flèche Love, un univers spectaculaire et ensorcelant
Pour Flèche Love, le visuel est aussi important que la musique, et elle souhaite aller au delà de l'expérience sonore. Sur scène, elle offre une performance très généreuse : costumes et masques, mais aussi effets sonores et danse, comme si des fantômes et des esprits s’invitaient sur scène. Son goût de l'image se retrouve évidemment dans ses clips. En collaboration avec Roberto Greco, elle donne vie à ses mots et nous embarque dans son imaginaire mystique avec des vidéos très travaillées. Elle travaille beaucoup sur ses poses, son maquillage, sa coiffure, son style vestimentaire, et bien sûr ses tatouages, créant ainsi un personnage à part entière permettant d'accompagner son discours musical. Un personnage parfois ensorcelant, à l'image de l'artiste qui se dit sorcière. La danse tient une place très importante dans son travail artistique : sur scène et dans ses clips, elle nous présente des chorégraphies inspirées entre autre de krump et de buto, une danse originaire du japon. Flèche Love porte son œuvre avec toute son âme et tout son corps, qu'elle utilise comme étendard et comme témoignage de son message. Sa chanson Umusuna de son premier album Naga pt. I, traduit totalement cette façon de pensée : « Je suis une œuvre d'art / Les cicatrices brillent sur tout mon corps / Je suis mon propre bijou ».
Une émission proposée par Mari le Diraison.
Emission diffusée le 17 octobre 2022