La guerre des étoiles

L'histoire de la mission Juno

© NASA L'histoire de la mission Juno
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Tous les mercredis, écoutez Iris Herbelot discuter d'un sujet du secteur spatial. Tantôt sujet d'actualité ou bien sujet d'histoire, découvrez les enjeux du programme européen Hermès, de la nouvelle Ariane 6, ou encore de la place de l'Europe dans le programme Artémis. Ici, nous parlons des enjeux stratégiques pour notre continent d'utiliser l'espace pour découvrir, innover, et se défendre.

Nous nous retrouvons pour notre premier épisode histoire depuis la rentrée, consacré à la mission Juno de l’agence spatiale américaine.

Une mission qui porte le nom de la sonde, nommée d’après la déesse romaine épouse de Jupiter, la planète au cœur de la mission. Et d’ailleurs c’est la NASA qui a porté et piloté Juno, mais le programme a aussi bénéficié de partenaires européens, dont l’agence spatiale française, le CNES, celle italienne, l’INAF, et l’université de la Côte d’Azur, dont l’observatoire est très renommé.

Quelle est la chronologie de Juno ?

Juno a été lancée en 2011, et est arrivée dans l’orbite de Jupiter en 2016, après cinq ans de voyage. C’est une sonde d’observation et de collecte d’information scientifique sur Jupiter, qui s’inscrit dans le programme New Frontiers de la NASA –du temps où la NASA avait des programmes d’envergure d’exploration scientifique du système solaire et de l’univers– et Juno était la deuxième mission de ce programme, après New Horizons, une mission d’exploration de Pluton et de la ceinture de Kuiper qui est à la périphérie de notre système solaire. Et la mission Osiris-Rex, qui a prélevé et rapporté sur Terre des échantillons d’astéroïde, a suivi Juno.

Nous sommes en septembre 2025, donc sur la fin de la mission Juno. Ca fait presque dix ans qu’elle collecte des informations très précieuses sur Jupiter et ses satellites, et elle va survoler deux de ses lunes, Europe –qui va bénéficier de sa propre mission si l’administration Trump le permet– et Io, qui est aussi surnommée la planète pizza à cause de sa surface. Passé la fin du mois, Juno est sur du bonus, jusqu’à ce qu’elle plonge dans l’atmosphère de Jupiter en récoltant sur ses derniers instants le plus d’informations supplémentaires possible.

Vous évoquez les coupes budgétaires de l’administration Trump pour la NASA, et particulièrement les branches scientifiques. Si Juno est sur la fin, elle n’est pas menacée, mais elle devrait être un exemple de réussite justifiant d’autres missions de ce type.

Juno est un succès à plus d’un titre, et elle est menacée ! Elle fait partie des missions actives de la NASA susceptibles d’être arrêtées brutalement si la Maison Blanche obtient gain de cause. Alors que rien que sur son alimentation en énergie, elle est une leçon inspirante : le système jovien, donc la planète Jupiter et la myriade de lunes et de satellites qui orbitent autour, est absolument fascinant. On parle quand même de lunes avec une géologie active, qui contiennent très probablement des océans, peut-être de la vie microbienne…

Et Jupiter, c’est loin de nous, c’est loin du Soleil. C’est la cinquième planète de notre système solaire, et elle est de l’autre côté de la ceinture d’astéroïdes qui coupe notre système en deux après Mars, avec dans le système solaire “interne” les planètes telluriques, Mercure, Vénus, la Terre et Mars, puis ce sont des planètes gazeuses, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune. Et là, Juno a atteint Jupiter en cinq ans et orbite autour depuis presque dix ans à la seule force de ses panneaux solaires ! Donc qu’on ne vienne pas nous dire que c’est compliqué de produire de l’énergie sur Terre avec des panneaux photovoltaïques, une petite sonde à près de 800 millions de kilomètres du Soleil y arrive.

Pourtant, Juno et d’autres missions de ce type sont menacées.

Plus de la moitié des missions d’exploration spatiale de la NASA sont menacées par les coupes budgétaires de l’administration Trump. La mission Europa Clipper, qui est le pendant américain de la mission Juice de l’ESA pour explorer les lunes glacées de Jupiter, pourrait survivre aux coupes budgétaires, mais si on arrête Juno, qui est presque un travail préparatoire pour Juice et Clipper, c’est incohérent et dommageable. Et en supprimant l’équivalent de Juno pour d’autres planètes du système solaire, on se prive de découvertes qui ont suscité l’intérêt de missions d’explorations plus poussées.

On croise les doigts pour que le progrès scientifique remporte le bras de fer alors. Mais comment Juno a pu motiver la conception de nouvelles missions ?

Juno a été envoyée pour analyser les couches supérieures de l’atmosphère de Jupiter, pour mieux comprendre les phénomènes météorologiques très riches et très violents que subissent les gazs de la planète. Elle a aussi été conçue pour analyser son champ magnétique très puissant, qui impacte beaucoup les satellites joviens, et qui permet aux Lunes autour de Jupiter d’avoir des sortes de marées, d’avoir de l’eau liquide sous leurs couches externes. Les analyses de Juno ont pu réfuter des hypothèses sur la formation et la composition de Jupiter, dont on pensait qu’elle avait un noyau dur, et ça ne serait finalement pas le cas, par exemple.

Et donc naturellement quand on envoie une petite sonde observer un système aussi riche, on fait émerger des questions qui n’appellent qu’à trouver réponse grâce à de nouvelles missions ciblées, comme Juice et Europa Clipper.

Et Juno a pu prouver l’efficacité de certains instruments et de certaines techniques ; les panneaux photovoltaïques dont on a parlé, mais aussi son auto-stabilisation grâce à son propre mouvement, et on pourrait parler de sa grande résistance qui lui permet d’orbiter très proche de Jupiter. C’est un bijou d'ingénierie et si l’on découvre de l’eau liquide sur les lunes de Jupiter, voire peut-être aussi des traces de vie dans ces océans souterrains de Ganymède, Callisto ou Europe, Juno aura été une étape-clé dans ces découvertes.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.