Michel Derdevet, président du think tank Confrontations Europe revient dans cette chronique hebdomadaire sur les dernières publications de son organisation, notamment de sa revue semestrielle. Énergie, numérique, finances, gouvernance européenne, géopolitique, social, les sujets d'analyse sont traités par des experts européens de tout le continent dont le travail est présenté par Michel Derdevet.
Confrontations Europe a publié un article portant sur la possibilité d’un nouveau partenariat énergétique avec les Etats-Unis. Dans le cadre d’un dossier spécial Union européenne et présidentielle américaine de 2024, il donne la parole à Dominique Ristori, Conseiller en Stratégie et ancien directeur général de l’Energie à la Commission européenne.
En quoi l’accord stratégique sur le GNL constitue-t-il un succès en termes de partenariat énergétique entre l’Union et les Etats-Unis ?
À la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’Union européenne a tenté de se distancer progressivement de l’exportation de gaz russe, qui représentait son premier fournisseur. Par le biais d’une coopération bilatérale avec les Etats-Unis, elle s’est tournée vers les exportations américaines. Les Etats-Unis sont donc devenus le principal partenaire de l’Union concernant l’importation de gaz.
Ce partenariat contribue d’une part à favoriser la fin potentielle de l’utilisation du gaz russe pour 2027 et de s’éloigner de sa dépendance envers la Russie. Mais d’autre part, elle contribue surtout à une action énergétique transatlantique unie qui poursuit la coopération bilatérale entre les Etats-Unis et l’Union européenne, bien que des écarts énergétiques entre les deux partenaires commencent à se creuser.
L’éloignement de l’Union par rapport au gaz russe n’a pas fait chuter l’Union, mais a l’a conduit, au contraire, à la transition énergétique, comme l’a annoncé Ursula von der Leyen en février 2024.
La volonté de Trump de sortir de l’accord de Paris peut-elle tout de même permettre une impulsion en Europe ?
Trump a déjà évoqué sa volonté de sortir de l’accord de Paris sur le climat dès sa campagne présidentielle. L’Union, déterminée à atteindre les objectifs climatiques prévus par l’accord, dont celui d’obtenir zéro émission en 2050, peut craindre les répercussions de la sortie des Etats-Unis. Ceux-ci, avec une politique énergétique qui s'annonce centrée sur les énergies fossiles, comme le charbon, pétrole ou gaz, ainsi qu’une maximisation des exportations américaines de ces énergies, pourraient compromettre les efforts énergétiques des autres Etats signataires. Malgré ces sources d'inquiétude, la sortie américaine, comme elle a déjà été réalisée une fois par Trump, peut aussi avoir un impact positif sur l’Union européenne.
Cela peut entraîner un renforcement de la politique énergétique européenne pour compenser la diminution des efforts américains. De nouvelles actions climatiques communes et surtout une plus grande solidarité entre les Etats membres peuvent permettre de rester dans la lignée des objectifs prévus de l’accord de Paris.
Comment une nouvelle coopération énergétique entre l’Union et les Etats-Unis peut-elle voir le jour après l'élection et le programme sur l’énergie de Trump ?
La mise en place d’un nouveau partenariat énergétique reste une option stratégique pour consolider la politique bilatérale transatlantique. Pour sa création, il faudrait se concentrer sur les avancées et les richesses énergétiques des deux partenaires. L’Union européenne est douée sur le retraitement et les déchets par exemple. Allier ces avantages pourrait représenter une combinaison énergétique ingénieuse bénéficiant aux deux partenaires.
Dernièrement, Ursula von der Leyen a annoncé une piste de négociation avec les Etats-Unis concernant le futur des exportations de gaz américain et a avancé vouloir dégager des intérêts communs pour trouver un compromis avec eux. Selon elle, les Etats-Unis ont tout autant besoin de leurs partenaires européens que de l’Union d’eux, ce qui pourrait conduire à la naissance d'une nouvelle politique énergétique commune basée sur les intérêts de chaque partenaire.
Ce nouveau partenariat énergétique ne risque-t-il pas de créer une nouvelle dépendance ?
En effet, les Etats-Unis qui misent en grande partie sur une augmentation des exportations vers l’Union en faisant baisser les prix de l’énergie, pourraient créer une nouvelle source de dépendance pour l’Union, en plus de celle russe qui existe toujours encore.
Mais l’Union mise aussi sur le développement du renouvelable et le nucléaire a été inclus dans la taxonomie européenne. Développer cela prend un certain temps et nous souhaitons sortir le plus rapidement possible de la dépendance au gaz russe. Nous avons donc besoin du GNL américain pour nous donner ce temps.
Un partenariat qui reste équilibré et respectueux des ressources et besoins des deux partenaires s’avère être pour cela un compromis idéal. L'Union européenne qui encourage un financement propre pour les objectifs de sobriété et transition énergétiques, ainsi que pour les énergies renouvelables, devra pour cela poursuivre avec les Etats-Unis pour continuer de diversifier son approvisionnement de gaz. Elle ne devrait donc pas être condamnée à une pure dépendance américaine, mais en tirer certains bénéfices à son profit.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.