Les femmes ou les "oublis" de l'Histoire

Ching Shih

© Teamcolibri.org Ching Shih
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Avec sa chronique Les femmes ou les "oublis" de l'Histoire, Juliette Raynaud explore "les silences de l'Histoire" (Michelle Perrot) et nous invite à (re)découvrir notre matrimoine oublié, une histoire après l'autre...

En janvier 2020, en regardant le (formidable) documentaire "Décolonisations" de Karim Miské, Marc Ball et Pierre Singaravélou, narré par Réda Kateb, j'ai découvert des femmes que je ne connaissais pas du tout. J’ai repensé au livre de l'historienne Michelle Perrot Les femmes ou les silences de l'Histoire, et j’ai voulu raconter leur histoire. Une histoire après l’autre, c’est devenu une série de portraits, consacrée à notre matrimoine oublié, “Les femmes ou les ‘oublis’ de l’Histoire” à découvrir chaque semaine sur Euradio et à lire sur teamcolibri.org.

A l’heure où, selon certains, « on ne peut plus rien dire », de nouvelles voix s’élèvent, portant une autre, d’autres histoires. Ces voix sont des murmures qui s’amplifient à mesure qu’on regarde les choses un peu autrement, qu’on cherche la présence de l’Autre, cette Autre qui n’est pas homme, pas blanc, pas hétérosexuel, pas valide… Cette Autre qui n’a pas la parole mais qui murmure tout de même.

En mettant en circulation d'autres récits que ceux d'hommes blancs qui "font des trucs" et gagnent à la fin pour reprendre l’idée du super livre d’Alice Zeniter Je suis une fille sans histoire, je nous invite à faire un pas de côté, à explorer d’autres histoires pour mieux comprendre la nôtre et mieux en écrire la suite…

Je ne cherche pas à créer de nouvelles héroïnes, je mets en lumière des femmes qui ont bravé l’ordre établi pour faire ce qui leur semblait juste, ou juste ce qu’elles avaient à faire. Pour les ancrer dans notre mémoire collective et ainsi renouveler nos imaginaires, une histoire après l’autre…

Je suis ravie de vous retrouver pour la saison 2 de cette série “Les femmes ou les ‘oublis’ de l’Histoire”.

Vous connaissez Ching Shih ?

A la tête de la flotte de pirates la plus puissante de toute l'Histoire, cette femme à la redoutable intelligence commerciale et tactique a terrorisé les mers de Chine au début du XIXe siècle.

En 1801, à 25 ans, Ching Shih est capturée par des pirates et épouse leur chef (sous la contrainte ?). Contrairement à l’Occident qui interdit la navigation aux femmes, les Chinoises sont admises à bord.

Ching Shih devient pirate.

Discrète mais terriblement efficace, elle ne cherche pas à faire peur et n’en rajoute pas avec des costumes ; elle est juste extrêmement compétente et donc très dangereuse.

Par son travail et son sens de l’organisation, elle gagne le respect et prend la tête de l’escadron.

A la mort de son époux en 1807, elle hérite de son rôle et dirige une confédération de dizaines de milliers de pirates. Elle fortifie la coalition entre les différentes escadres et développe sa flotte.

Ching Shih impose un code de discipline qui fait sa richesse et son succès.

Elle interdit à ses hommes de descendre à terre sans autorisation, évitant ainsi les trahisons. Elle punit de mort quiconque vole dans le butin ou viole une prisonnière. Plus économique qu’éthique, sa logique était de ne pas « abîmer la marchandise » pour obtenir la rançon la plus consistante possible (le résultat est le même : les prisonnières ne sont pas violées). Elle contraint ses prisonniers étrangers à participer aux pillages et surtout à former son équipage aux mousquets et aux canons.

Avec ce code, elle affirme son pouvoir.

Rançonnage, attaques de villages et de navires marchands chinois et étrangers… A la tête de plusieurs dizaines de milliers d’hommes et de centaines de bateaux, elle règne sur les mers de Chine et terrorise les équipages.

Rapidement, le gouvernement chinois est gêné par la puissance de la cheffe pirate. Les autorités envoient des amiraux pour essayer de la vaincre par la force. Mais Ching Shih est non seulement une bonne organisatrice, mais aussi une excellente stratège : tous se cassent les dents. L’empereur propose alors de négocier : amnistie totale et possibilité de garder l’intégralité de son butin. Quant à ses hommes, il leur propose de rejoindre l’armée ou de se voir attribuer un lopin de terre. Elle refuse.

Mais un de ses lieutenants de longue date, O-Po-Tae, accepte l’amnistie. Ching Shih sait qu’il connait tous les détails de l’organisation de la flotte, tous les repères, toutes les cachettes et cela représente un trop grand danger. Renonçant à la piraterie, elle conserve toute sa fortune et continue la contrebande depuis la terre ferme.

Devenue une légende, elle a inspiré de nombreux romans et personnages de films.

Ching Shih reste à ce jour, la pirate la plus puissante ayant jamais existé.

Barbe Noire, avec ses 300 pirates, peut aller se rhabiller.