Dans cette chronique, Nathalie Richard, coach et facilitatrice en transition intérieure et gardienne d’un écolieu dans le Finistère, tente de démystifier un sujet aussi mal compris qu’oublié : la spiritualité.
Cette semaine Nathalie vous nous parlez de déni.
Oui Laurence, je m’interroge énormément ces derniers temps sur le fait que nous soyons, et ce depuis des années, dans un déni collectif de la gravité de notre situation socio écologique.
Peut-être allez-vous penser : ‘oh mais je suis bien au courant de ce qui nous pend au nez.’
Ok, mais alors comment se fait ce (du verbe faire) que nous ne soyons pas massivement dans la rue, à réfléchir, à agir ou à désobéir pour y répondre ?
Non au lieu de ça, nous poursuivons nos vies cahin-caha et notre quotidien ressemble peu ou prou à celui de la veille comme si de rien n’était. Et je ne blâme personne car je fais partie du nous ici.
Alors, fut un temps, il y encore une dizaine d’années de cela, on avait l’excuse valable de ne pas être au courant. Mais on ne peut plus dire aujourd’hui que l’on ne sait pas.
Peut-être que l’on ne sait pas à quel point, peut être que l’on ne sait pas tout mais nous sommes nombreux à connaitre au moins un bout de l’histoire. Par exemple, les médias mainstream ont rendu accessibles les informations scientifiques sur le climat. Ce qui rend donc caduc l’argument du déficit d’information pour expliquer notre indifférence à cet enjeu.
Et puis désormais, les effondrements, nous pouvons les percevoir, les sentir, les vivre dans notre chair donc non seulement nous savons mais c’est devenu notre réalité.
Alors comment est-ce encore possible que nos vies politiques, sociales et privées ne semblent pas vraiment bouger ?
Tout ça, je dois dire, me laisse perplexe.
Je vous rejoins Nathalie. Mais alors quelles sont les raisons de ce grand déni ?
Voilà une question des plus précieuses.
C’est un enjeu d’utilité publique que de se la poser.
En préparant cette chronique, je me suis souvenue avec émotion d’une autre personne qui se l’était posé alors qu’il était en fonction. Cette personne s’était exprimée en ce jour de fin d’été 2018, il y a presque 7 ans déjà. Cette personne malgré les autres faits médiatiques dont il a l’objet m’avait bouleversée.
Cette personne c’est Nicolas Hulot alors ministre de la transition écologique et solidaire qui annonçait en direct sur France Inter sa démission du gouvernement :
Il nous disait désabusé et visiblement triste :
‘Je ne comprends pas que nous assistions à la gestation d’une tragédie bien annoncée dans une forme d’indifférence. La planète devient une étuve, nos ressources naturelles s’épuisent, la biodiversité fond comme la neige au soleil. Et on s’évertue à entretenir et ré animer un modèle économique marchand qui est la cause de tous ces désordres.’
Il ajoutait :
‘Je me surprends tous les jours à me résigner, tous les jours à m’accommoder des petits pas alors que la situation mérite que l’on change d’échelle, que l’on change de paradigme.
Il nous demandait :
Mais qui est là pour défendre les enjeux écologiques ?
Est-ce qu’il y a une société dans la rue pour défendre les enjeux de la biodiversité ? NON.
Est-ce que nous avons commencé à réduire nos gaz à effet de serre ? la réponse est NON.
Est-ce que nous avons commencé à réduire l’utilisation des pesticides ? la réponse et NON.
Pour quelle raison nous rappelez-vous cet épisode politique et médiatique Nathalie ?
Parce que tristement 7 ans après le diagnostic est exactement le même !
Malgré une situation qui empire à vitesse grand V, l’apathie règne, point de foule dans la rue.
Il semblerait que nous soyons telle la grenouille dans une marmite d’eau qui chauffe progressivement jusqu’à devenir bouillante dans une forme d’habituation dangereusement fatale.
Petit à petit on s’accommode de la gravité et on se fait complice de la situation.
Pourtant la viabilité de notre milieu conditionne tous les autres sujets, que ça nous fasse plaisir ou non.
Ce n’est pas une idéologie c’est un fait.
Nicolas Hulot le rappelait, la responsabilité est collégiale.
C’est l’ensemble de notre société qui porte ses contradictions.
Il est nécessaire de réaliser qu’il y un fossé entre ce que nous savons et ce que nous faisons.
Ce que l’on appelle en anglais : le ‘knowing - doing gap’.
Qu’est ce qui créé ce fossé ? Comment le résorber ?
C’est LA question que je me pose depuis des années et que je ne cesserai de me poser pour que collectivement nous bifurquions.
Cette chronique n’a pas été confortable à écrire, ni à dire et encore moins à vivre car cette question je me la pose au quotidien. Et si elle fait l’objet de ce cri du cœur aujourd’hui c’est parce nous avons besoin d’être des centaines, des milliers, des millions à nous poser ces questions.
Des millions pour pouvoir encore changer de trajectoire et éviter le pire ?
Pour être sincère, non. Il ne s’agit plus d’éviter le pire.
L’inertie est telle, la direction politique si orthogonale à un projet écologique et social que nous allons devoir faire face à des pans entiers du vivant et de notre société qui vont continuer à s’effondrer.
Cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus rien à faire, bien au contraire !
Chaque bout de vie préservé ou régénéré va compter.
L’enjeu maintenant c’est de regarder la situation en face pour apprendre à nous adapter, à construire des alternatives, des réseaux d’entraide mais aussi commencer à dessiner ce qui viendra après.
Car quand le moment viendra ces graines semées ici et là prendront le relais de ce que se sera effondré.
Mais pour cela, encore faut-il intégrer ce que nous savons.
Sortir de l’anesthésie, de la sidération, lâcher prise sur ce qui était et ce que nous étions.
Comme lorsqu’un proche meurt, accepter malgré la peine de laisser descendre l’information.
La laisser couler de notre tête vers notre cœur pour que tout notre être s’en saisisse véritablement et puisse se remettre en mouvement.
Le déni est une résistance à la vie. Notre situation en est le fruit collectif.
Notre responsabilité maintenant c’est de regarder de près ce qui le nourrit.
Regarder ce à quoi nous sommes aveugles aujourd’hui et qui empêche de nouveaux futurs d’émerger.
Pour ne pas en rester là, ce serait ballot, promis la semaine prochaine on explore ensemble quelques pistes pour dépasser notre déni !
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.