L'état de l'État de droit - Elise Bernard

Pax Europaea

© Image par Gerd Altmann de Pixabay Pax Europaea
© Image par Gerd Altmann de Pixabay

Elise Bernard, docteur en droit public et enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur Euradio les implications concrètes de l'État de droit dans notre actualité et notre quotidien. Ses analyses approfondies, publiées sur la page Europe Info Hebdo, offrent un éclairage précieux sur ce pilier fondamental de l'Union européenne.

L’État de droit c’est l’ensemble des procédures qui donnent corps à notre démocratie en Europe, elle-même garante de la paix entre les États de l’Union et ses candidats. Mais peut-on affirmer que l’idée d’Ursula von der Leyen de vouloir établir une “Pax Europea” marque une nouvelle étape dans la construction européenne?

On peut le dire Laurence. A l’occasion de la remise du Prix Charlemagne, le 29 mai dernier, Ursula von der Leyen affiche une ambition certaine pour cette Commission géopolitique qu’elle tente de façonner.

A l’heure où les autocraties gagnent du terrain dans le monde, on comprend la formule car il est essentiel que ce message de paix soit le plus compréhensible possible.

Oui, Pax Europea renvoie à Pax Romana une formule évoquant l’Empire romain antique. Elle renvoie spécifiquement aux Ier et le IIe s. après J.-C. où l'espace sur lequel l’Empire s’étend est considérée comme étant à son apogée. Donc on peut comprendre que cette déclaration du 29 mai ouvre une nouvelle époque.

L’expression Pax Romana renvoie aussi à un mode de gouvernement du monde décrit comme exemplaire.

C’est vrai, elle suggère que Rome aurait apporté la paix et la prospérité aux populations soumises et perdantes face à ses puissantes légions. D’ailleurs, ce lien entre paix et grand projet d’intégration impériale explique l’attrait vers ce concept comme l’illustre l’historien Bernard Augier sur euradio.

Cette Pax Romana est aussi consécutive à des conflits ouverts clôturés par des traités.

Par la suite elle a pu être déclinée en Pax Hispanica, période de fin de conflit ouvert de l’Espagne avec les royautés concurrentes au nord de l’Europe. Le retour de la paix en Europe après la Seconde Guerre mondiale est présenté comme une des réalisations de la Pax Americana avec des traités dans les années 1940-1950, CECA CEE, qui marquent la fin des conflits de haute intensité et la pacification des relations entre les Etats.

La construction européenne semble entrer dans ce schéma mais on imagine que la Pax Europaea doit aller au-delà pour bien se distinguer de ces précédents et d’autres “modèles de paix” ne correspondant aux ambitions actuelles de l’Union.

Exactement, contrairement à la Pax Romana ou la Pax Sovietica, l’ambition n’est pas d’étendre son territoire en tant qu’autorité. L’idée est d’être le plus autonome possible, avec une Union forte composée d’États remplissant les critères de Copenhague, Schengen et de l’euro.

Il est impératif de faire comprendre que cet espace s’étend sans être “imposé par Bruxelles” !

Oui donc insister sur le fait que,contrairement à la plus récente Pax Russica, l’objectif n’est pas de réunir une ethnie ou les locuteurs d’une langue.

L’appartenance d’un État à cette Pax Europaea pourrait aussi se manifester par sa candidature à l’Union européenne.

Cela semble clair pour l’Ukraine et la Moldavie qui avec leur candidature à l’adhésion à l’UE rejettent la Pax Russica. Ce n’est pas franchement le cas avec la Serbie qui, on l’a vu plusieurs fois, depuis plus d’une décennie, joue sur les deux tableaux. Ce n’est pas du tout le cas de la Géorgie qui a suspendu les négociations à peine le statut candidat obtenu et multiplie les manifestations de rupture avec les bases d’un État de droit.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.

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