À propos d’Elise Bernard : Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur euradio les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.
L’Etat de droit se sont des exigences à l’égard des mécanismes institutionnels, on a vu qu’on commence à se poser la question pour les agences de l’UE comme Frontex, mais qu’en est-il d’Europol?
Eh bien Laurence, Europol, a été mise en cause par Marian Kocner, un oligarque slovaque.
C’est cet homme d’affaire qui avait été impliqué dans le meurtre du journaliste Jan Kuciak, n’est ce pas?
Oui, non prouvée, mais il cherche à obtenir une compensation pour ces accusations publiées dans la presse et la violation de sa vie privée. Dans sa requête, la justice slovaque aurait ignoré, à tort estime-t-il, la responsabilité d’Europol.
Europol aurait fait fuiter des éléments pour la presse ?
C’est là que ça se complique. Quelle est la responsabilité d’Europol ? Quand on lit les dispositions du Règlement organisant l'agence, il y est question de la responsabilité conjointe et solidaire des États et des agences opérationnelles (ayant pour but de protéger les droits du plaignant).
Ah oui donc, dans les faits, ce sont les représentants des Etats membres travaillant pour Europol qui sont responsables.
Oui mais voilà, j’aurais bien voulu moi que ce soit clarifié. On avait vu l’année dernière qu’en matière financière un responsable de Frontex s’était vu reconnu responsable. Mais rien au niveau de l’agence. Ici, le juge de Luxembourg a rejeté sa requête.
Aucune responsabilité n’a été déterminée ni définie alors à propos d’Europol.
Non Laurence! Ça aurait été intéressant mais à juste titre, le juge a déterminé que la presse slovaque présentait Kocner - bien avant l’assassinat de J. Kuciak - comme proche des milieux mafieux. Et il n’a pas réussi à prouver que les éléments propres à sa vie privée n’ont pas été rendus publics par Europol.
Mais peut être que ses agents n’ont pas été assez vigilants à propos de données personnelles en question.
Exactement. Lui, il estime que c’est allé trop loin à propos de sa fiancée en particulier. Mais l’exigence de causalité, le manquement d’une agence de l’UE qui cause un préjudice, c’est ça le lien de causalité, c’est très difficile! Parce que le RGPD contient des règles spécifiques concernant la responsabilité des États membres d’abord! Des règles plus spécifiques ont été élaborées pour le traitement des données par Europol après l’affaire.
Ca reste flou et pas très rassurant pour les citoyens. C'est encore unesource “d’insécurité juridique” en ce qui concerne le respect de la vie privée et familiale, ainsi que la protection des données personnelles. Il sera donc aisé de freiner l’action commune au niveau européen pour répondre au défi du terrorisme et de la criminalité organisée. C’est évident, l’intégration croissante de nos espaces judiciaires et policiers au niveau européen est nécessaire.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.