À propos d’Elise Bernard : Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur euradio les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.
L’Etat de droit ce sont des mécanismes, des procédures qui poursuivent des interprétations parfois variables qui s’opposent. C’est clairement ce qu’on a pu observer avec les élections législatives polonaises du 15 octobre !
Eh oui Laurence, depuis 8 ans, le si bien nommé parti Droit et justice (connu sous le nom de PiS Prawo i Sprawiedliwość), proposait donc une vision assez spécifique de l’Etat de droit en Europe qui ne semble plus correspondre aux ambitions des Polonais.
Ils ne sont pas devenus minoritaires, puisqu’ils obtiennent toujours la première place avec 36% des votes.
Exactement, sans rentrer dans les détails de son mode de scrutin - spécifique et hybride pas comparable avec le français - une alliance composée des partis et coalitions “Plateforme Civique”, “Troisième Voie” et “Nouvelle Gauche”, l’a emporté. 248 sièges sont donc occupés par des élus qui n’adoptent pas la vision du PiS en matière d’Etat de droit.
Est-ce que l’on peut dire que ces élections sont les plus importantes dans l’histoire de la Pologne depuis 1989 ?
Nous sommes plusieurs à le penser. On constate une participation d’un taux record de 72,9%, et des manifestations d’ampleur qui ont pu témoigner d’une mobilisation de masse face à une campagne électorale très agressive.
Oui plus qu’une opposition Jarosław Kaczyński et Donald Tusk, c’est deux visions de la Pologne contemporaine qui s’affrontent.
En effet, et cette vision elle touche directement quelle interprétation donner à l’Etat de droit. Le fait que Tusk ait été Président du Conseil européen, député européen, que Kaczyński ait eu un frère jumeau décédé tragiquement dans un accident d’avion importe peu, dans ce cadre.
Ca a été diffusé pendant la campagne électorale : Donald Tusk, Premier ministre au moment du crash en 2010, aurait œuvré avec le Kremlin pour causer l’accident et tuer Lech Kaczyński, président de la République.
Certains estiment qu’en démocratie, tous les coups sont permis dans la presse et sur les réseaux sociaux, soutien de certains religieux durant leurs prêches.
C’est très discutable quand même, le PiS est aussi accusé d’avoir eu recours au logiciel Pegasus pour espionner l’opposition.
Tant qu’on peut discuter de ce qui est discutable, tout va bien! La voie de l’Etat de droit démocratique n’est pas un long fleuve tranquille : régulièrement vont se poser sur le chemin, de choses discutables.
Comme ce référendum aux curieuses questions organisé le même jour que les élections.
Oui, ça semble grossier mais pourquoi ne pas tenter après tout.En fait, le PiS en a profité pour organiser un sondage d’opinion, aux frais de l’Etat sur : l’âge de la retraite la suppression de la barrière à la frontière avec le Biélorussie, l’admission de milliers d’immigrants illégaux conformément au mécanisme de relocalisation forcée imposé par la bureaucratie européenne. Le jour même des élections législatives.
C’est horrible, surtout la dernière question!
Oui c’est surtout stupide : demander si on accepte des migrants qui seraient imposés. Ca donne surtout une vision peu glorieuse des électeurs favorables au PiS. Ca s’est peut-être retourné contre eux.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.