Comme chaque semaine, nous retrouvons Olivier Costa, directeur au département d'études politiques et de gouvernance européenne au Collège d'Europe pour sa carte blanche sur la Présidence française de l'Union européenne.
À l’issue des élections législatives, Emmanuel Macron n’a pas de majorité absolue à l’Assemblée nationale. Quelles vont être les conséquences de cette situation inédite pour la politique européenne de la France ?
C’est difficile à dire, car on ne sait pas, pour l’instant, comment les choses vont se configurer. Il y a trois grandes options. La première serait une dissolution, mais on voit mal pourquoi de nouvelles élections induiraient des résultats différents, et ce serait un pari risqué pour le Président. C’est une solution de dernier ressort, si le chaos s’installe. Le deuxième scenario est la négociation d’un accord de coalition entre la majorité présidentielle, le groupe LR et quelques députés divers droite et gauche. Christian Jacob, le Président des Républicains, a récusé l’idée, mais cette option n’est pas impossible, notamment si la négociation implique des postes ministériels. Le dernier est la nomination d’un gouvernement de techniciens, et la recherche de coalitions au cas par cas pour l’adoption des lois. Mais, dans tous les cas, la politique européenne restera essentiellement du ressort du Président, puisqu’elle fait partie de son domaine réservé et qu’il ne sera pas en situation de cohabitation à proprement parler.
Emmanuel Macron ne va-t-il pas être affaibli sur la scène internationale ?
Évidemment. D’abord, tout leader qui est confronté à des difficultés politiques domestiques perd de son influence à l’échelle européenne et internationale. Sa capacité à s’investir dans ces questions est plus limitée, car cela requiert du temps et de l’énergie. C’est aussi une question de crédibilité : en 2017, Emmanuel Macron apparaissait comme un homme neuf, fort d’une élection facile et d’une large majorité à l’Assemblée nationale. Son prestige personnel et son autorité vont souffrir, à Bruxelles et dans le cadre du couple franco-allemand, de son incapacité à s’appuyer sur une majorité claire à l’Assemblée nationale, qui est la norme en France. Son étoile a pâli et sa capacité à prendre des initiatives sera forcément réduite, car il n’est pas certain qu’il soit soutenu à domicile dans ses démarches…
Mais on peut aussi imaginer qu’Emmanuel Macron se recentre sur les questions européennes…
Oui, c’est un scenario aussi. Ca a été le cas de François Mitterrand et Jacques Chirac quand ils étaient en situation de cohabitation. Le Président français est dans une situation particulière, avec ses compétences étendues en matière d’affaires étrangères et de défense. Il n’y aura pas véritable de cohabitation, mais on peut imaginer qu’Emmanuel Macron négocie une coalition avec Les Républicains, par exemple, et décide d’être moins impliqué dans la conduite des affaires intérieures, pour laisser plus de champ au Premier ministre. En outre, M. Macron suscite une grande hostilité dans l’opposition ; il pourrait se mettre en retrait pour calmer le jeu. Mais il doit aussi penser à l’avenir…
Qu’entendez-vous par là ? Il aurait des ambitions à l’échelle européenne ?
Je l’ignore. Mais Emmanuel Macron effectue son dernier mandat présidentiel. En 2027, il sera un jeune retraité de la politique française de 49 ans. Il est très difficile quand on a été Président de revenir à un autre poste politique en France – député, sénateur ou ministre. Sauf s’il décide de passer à tout autre chose, il pourrait envisager un poste à l’échelle européenne, où son expérience politique sera appréciée. Et son intérêt pour ces questions est manifeste. Aucun Français n’a jamais occupé la fonction de Président du Conseil européen ou de Haut Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères. Et il n’y a pas eu de Français à la présidence de la Commission depuis Jacques Delors en 1995 …
Olivier Costa au micro de Laurence Aubron
Source photo : Robert Redeker Flickr