Comme chaque semaine, nous retrouvons Olivier Costa, directeur au département d'études politiques et de gouvernance européenne au Collège d'Europe pour sa carte blanche sur la Présidence française de l'Union européenne.
Le 9 mai, avait lieu à Strasbourg la cérémonie de clôture de la Conférence sur l’avenir de l’Europe. Que faut-il en retenir ?
Bien des choses ! La cérémonie a été très riche. Mais le discours d’Emmanuel Macron, qui intervenait en tant que Président en exercice du Conseil de l’Union, en a été le point d’orgue. Il a notamment opéré un bilan de la Conférence sur l’avenir de l’Europe – qui était un peu son idée, et qui a rendu ses conclusions récemment. C’est une expérience inédite, qui a fait une large place à 4 panels de citoyens, composés chacun de 200 personnes tirées au sort parmi les électeurs des 27 États membres. Ils ont réfléchi collectivement pendant un an aux contours de l’Union européenne de demain, à ses institutions, à ses objectifs et à ses valeurs. La plénière de la Conférence a validé 325 mesures et 49 propositions issues de ces débats, que la Présidente de la Commission, celle du Parlement et Emmanuel Macron se sont engagés à reprendre.
Comme cela va-t-il se passer ?
Ces mesures et propositions ont été approuvées par le Parlement européen. La semaine dernière, l’assemblée a adopté une résolution pour demander la réunion d’une Convention en vue d’une révision des traités. Cette demande va être examinée par le Conseil européen en juin. L’unanimité n’est pas requise, et une simple majorité suffira, mais ce n’est pas gagné, car de nombreux pays membres ont déjà fait savoir qu’ils ne sont pas pressés de rouvrir le chantier de la réforme des traités… On peut néanmoins penser que le couple franco-allemand, le Parlement européen et les principaux partis européens vont peser de tout leur poids, et qu’ils peuvent obtenir cette validation.
Et ensuite, quelle est la procédure ?
Une Convention, composée de représentants des institutions européennes et des parlements et gouvernements des 27 va travailler, sur la base des propositions de la Conférence et de la feuille de route donnée par le Conseil européen. Emmanuel Macron a insisté sur la nécessité d’avoir un agenda clair : la Convention ne sera donc pas libre de réformer ce qui lui plaira.
Quels sont les autres éléments importants du discours d’Emmanuel Macron ?
Il a insisté lourdement sur deux choses. D’une part, comme il l’avait déjà fait au début de son premier mandat, il a souligné l’importance de formaliser l’Europe à plusieurs vitesses. Il n’a pas vraiment revendiqué ce vocabulaire, mais a insisté sur la possibilité pour le Conseil européen de pouvoir se réunir en configuration « Euro » (19 membres) ou Schengen, et pour un groupe de pays désireux d’aller plus loin de pouvoir prendre des initiatives sans attendre que les 27 soient prêts.
Et quelle était l’autre annonce importante ?
Emmanuel Macron a proposé de réactiver l’idée avancée par François Mitterrand après la chute du mur de Berlin d’une grande « confédération européenne », associant les Etats membres des Communautés et les pays d’Europe centrale et orientale. Elle avait alors été rejetée, car considérée comme une façon de refuser l’accès à l’intégration européenne de ces pays.
Mais les temps ont changé : il est clair que l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie ne pourront pas entrer rapidement dans l’Union, même si on leur reconnaît le statut de candidat dès le mois prochain. L’adhésion est un processus qui durera dix ans ou plus, car la tâche d’intégration de l’acquis communautaire et de respect des critères de Copenhague est immense. Pourtant, il faut que ces pays bénéficient rapidement d’une forme d’inclusion dans le bloc européen, face à la menace russe.
D’où l’idée d’une nouvelle Communauté politique européenne ?
La « Communauté politique européenne » serait une réponse à ce double impératif. Ce serait un nouvel espace de coopération politique, portant sur les questions énergétiques, de sécurité, d’infrastructures, de circulation des personnes… qui permettrait d’intégrer rapidement les pays de la frontière orientale de l’Union au bloc européen, tout en les laissant éventuellement préparer leur adhésion à l’Union. Cette Communauté pourrait aussi être une solution pour les Balkans occidentaux, qui peinent à répondre aux exigences de l’Union, voire pour le Royaume-Uni. Elle pourrait aussi être une solution de repli pour les Etats membres de l’Union qui ne veulent plus jouer le jeu …
Olivier Costa au micro de Laurence Aubron