Chaque semaine, Lyudmyla Tautiyeva nous propose un aperçu de ce qu'il se passe aux frontières de l'Union européenne, traitant de sujets divers tels que la gouvernance, l’entreprenariat, ou encore l'innovation.
Dans le dernier épisode, nous avons évoqué que l'adhésion de la Géorgie, de la Moldavie et de l'Ukraine à l'Union européenne dépend aussi de la capacité de l'UE à accueillir de nouveaux membres. Mais de quelle capacité parle-t-on exactement ?
Cette capacité évoquée implique dans un premier temps la prise des décisions au sein du Conseil européen, qui réunit pour cela les chefs des 27 pays membres de l’Union européenne. L’élargissement ou l’intégration d’un nouveau membre, implique de nouveaux chefs décisionnaires, en l’occurrence 3, si chaque pays candidats est accepté.
Cependant des décisions clés de l’Union européenne comme par exemple les politiques étrangères, la sécurité commune ou encore l’adoption du cadre budgétaire pluriannuel, impliquent une harmonisation des législations nationales dans le domaine de la sécurité et de la protection sociale notamment, celles-ci étant décidées à l’unanimité avec chacun des États membre disposant d’un droit de véto.
Rajouter de nouveaux membres implique alors un risque plus élevé de désaccord entre les États décisionnaires et de bloquages pour cause de vétos.
Quelle adaptation l’UE pourrait-elle faire pour éviter un blocage des décisions à 30 membres ?
Il faudrait pour cela que la règle de vote à l’unanimité devienne un vote à la majorité qualifiée. Aujourd’hui, la majorité qualifiée est utilisée 80% dans les prises de décisions au Conseil européen. Ce principe veut que 55% des États membres qui représentent au minimum 65% de la population totale de l’Union européenne statuent dans un même sens pour qu’une règle soit adoptée.
On appelle également cette procédure, la règle de la « double-majorité ». Ainsi, les États avec une part de population importante dans l’Union européenne ont plus de poids dans les décisions finales.
Si l’Ukraine faisait partie de l’Union européenne avec ses 30 millions d’habitants, elle serait un membre important dans ce genre de procédure.
Où en est-on dans le passage du vote à l'unanimité au vote à la majorité qualifiée au sein de l'Union européenne ?
Pour l’instant, la proposition de vote à la majorité qualifiée en est au stade de proposition, et est vivement débattue depuis 2022, les État membres n’arrivant pas à se mettre d’accord sur des questions de politiques étrangères et de sécurité commune.
Pour changer cette règle de l’unanimité, il faut que celle-ci soit justement votée à l’unanimité, et nous sommes loin, pour l’instant, d’un consensus sur le sujet. Les États membres moins peuplés ne souhaitant pas voir diminuer leur poids dans la prise de décisions dans l’Union européenne.
Par exemple, jusqu’à présent la Hongrie, avec une population de 9,5 millions d’habitants a systématiquement bloqué les décisions de l’Union européenne concernant l’aide à l’Ukraine au cours des deux dernières années. La recherche de solutions, les négociations, ont alors retardé la mise en place d’une aide plus importante à l’Ukraine, et cela a souligné le manque d’efficacité de l’Union européenne dans la prise de décisions et donc pour sa propre sécurité.
En imaginant que les situations de vétos se multiplient en intégrant de nouveaux membres dan l’équation de l’Union européenne, celle-ci risque de ne plus pouvoir agir, que ce soit en matière de politiques étrangères, de sécurité, de fiscalité et de financement.
Rendre ces décisions plus faciles et plus efficaces est donc essentielle à l’Union européenne en vue d’u potentiel élargissement.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.