L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde » sur euradio cherche à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.
Cette semaine le projet qui fait beaucoup parler est celui de l'espace Schengen militaire. Qu’est-ce que c’est exactement ?
C’est un projet ambitieux de l’Union européenne pour faciliter le déplacement des troupes et du matériel militaire à travers le continent. Aujourd’hui, déplacer un convoi militaire peut prendre plusieurs semaines, voire des mois, à cause des procédures administratives différentes dans chaque pays. Avec ce projet, on vise à réduire ces délais à seulement quelques jours et même quelques heures en cas d’urgence.
Pourquoi ce projet est-il devenu prioritaire maintenant ?
La guerre en Ukraine a révélé nos vulnérabilités. Certaines infrastructures sont fragiles, des ponts ne supportent pas le poids des chars, et les procédures prennent trop de temps. Si l’Europe ne peut pas réagir rapidement, la sécurité du continent est compromise. On parle aussi de menaces plus larges et des risques de sabotage, comme la récente attaque sur une ligne ferroviaire polonaise.
Comment l’Union européenne va organiser tout ça concrètement ?
La Commission européenne propose une autorisation unique pour traverser tous les États membres. Aujourd’hui, il faut obtenir 27 autorisations différentes, ce qui peut prendre 45 jours. Or avec l’espace Schengen militaire, ce seras maximum trois jours en temps de paix, et six heures en cas de crise. Les convois militaires auront priorité aux frontières et sur les axes stratégiques.
Qu’en est-il des infrastructures elles-mêmes ?
Elles doivent être modernisées et sécurisées. On parle de 500 points sensibles identifiés sur quatre corridors militaires. Les travaux incluent le renforcement de ponts, la mise à niveau des tunnels, la sécurisation des ports et des aéroports, et même la cybersécurité des réseaux de transport. Tout cela est prévu pour 2030. La Commission estime que la modernisation coûtera 100 milliards d’euros. Pour le prochain budget 2028-2034, elle propose dix fois plus que le budget actuel, mais encore insuffisant. Les États pourront également utiliser d’autres fonds européens et nationaux pour compléter.
Et la coopération avec l’OTAN ?
C’est central. Les travaux sont coordonnés avec l’OTAN. Les États membres s’engagent à consacrer 5% de leur PIB à la défense, dont 1,5% pour la logistique et les infrastructures militaires. Il y aura aussi un partage de ressources : trains, camions, avions pourront être mis à disposition entre les pays, créant une réserve stratégique de mobilité militaire.
Mais l’enjeu géopolitique plus large est de montrer que l’Europe ne se repose plus uniquement sur l’OTAN. Elle veut assurer sa propre défense et celle de ses États membres. On se concentre surtout sur la circulation vers l’Europe de l’Est, mais l’ouest est aussi crucial : les aides militaires américaines, par exemple, arrivent par la France et les autres pays de l’ouest. Cela montre l’importance d’une mobilité efficace dans toutes les directions du continent.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.