Justin Horchler, étudiant à Sciences Po Bordeaux sur euradio, éclaire l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.
Depuis quelques semaines, l'Espagne exprime très clairement son opposition aux agissements d'Israël dans l'enclave de Gaza. L'Espagne contraste avec les autres États européens qui soutiennent fermement Israël.
En effet, l'Espagne est probablement l'État de l'Union européenne le plus critique vis-à-vis des actions israéliennes à Gaza. Le gouvernement israelien a décidé de frapper fort en réponse à l'attaque du Hamas du 7 octobre dernier qui a visé des civils israéliens. Pour Pedro Sánchez, le président du gouvernement espagnol, Israël provoque une catastrophe humanitaire qui ne peut pas être justifiée par les attaques terroristes dont le pays a été victime.
Pourquoi parle-t-on maintenant de la position du gouvernement espagnol ?
Parce que Pedro Sánchez a visité il y a quelques jours le Moyen Orient. Il a notamment rencontré le premier ministre israelien Benyamin Netanyahou et il a rappelé le sentiment de son gouvernement quant aux représailles de l'État Hébreu. Il s'est aussi rendu à la frontière avec la bande de Gaza où il a appelé à la reconnaissance de l'État de Palestine et s'est entretenu avec le président palestinien.
Sánchez est-il le seul chef de gouvernement européen à condamner les agissements d'Israël dans la bande de Gaza ?
Non, Sánchez était accompagné du premier ministre belge, le libéral Alexander De Croo, avec qui il partage cette position. Les deux responsables n'hésitent pas à parler de catastrophe humanitaire à Gaza tandis que leurs homologues européens sont plus réservés.
Quelles ont été les réactions de la part d'Israël suite à ces propos ?
Cette position a évidemment créé une crise diplomatique avec Israël. L'Espagne est accusée très clairement de soutenir le terrorisme par le gouvernement d'Israel, même si Sánchez a rappelé le soutien de son pays à Israel fâce au terrorisme. La réaction des autorités israéliennes a été de convoquer les ambassadeurs espagnol et belge pour les "réprimander sévèrement", avant que les ambassadeurs israéliens dans les deux États ne soient eux-mêmes convoqués pour "clarifier la situation".
Quelles sont les raisons qui expliquent cette position espagnole ?
L'Espagne est un pays proche des États arabes. Cela s'explique par la proximité géographique bien sûr, rappelons que l'Espagne partage une frontière avec le Maroc, mais aussi des intérêts convergents. Historiquement aussi, les liens espagnols avec les pays arabes sont forts. On peut également mentionner que l'Espagne a reconnu que tardivement Israël, seulement en 1986, car elle lui en voulait pour son opposition à son entrée à l'ONU après la seconde guerre mondiale.
Et peut-être aussi des raisons politiques internes à l'Espagne ?
C'est indéniable, oui. Sánchez utilise cette question pour unir sa coalition qui est en désaccord sur beaucoup mais qui semble partager ce soutien à la Palestine. Peut-être est-ce aussi pour éviter les critiques dont font l'objet les autres chefs d'États et de gouvernement européens, accusés d'être trop proches du régime de Netanyahu.
Cette position espagnole est d'autant plus remarquable que le pays préside actuellement le Conseil de l'Union européenne.
Tout à fait. Sánchez a déclaré être prêt à ne pas suivre la position des autres États membres de l'Union européenne et à prendre sa propre décision. L'État palestinien peut donc être reconnu par l'Espagne avant même que l'Europe ne trouve une position commune sur le sujet; c'est pas terrible pour l'unité du bloc européen qu'elle est censée défendre. La Belgique succédera à l'Espagne le 1er janvier prochain à cette présidence, donc ça ne changera pas grand-chose à la situation considérant la position similaire du gouvernement belge. Donc d'un côté on a ces États qui sont minoritaires et qui condamnent Israël et évoquent parfois même des sanctions, et d'un autre les États dont les plus gros qui ne souhaitent pas s'éloigner de leur position pro-israélienne.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.