Le 27 septembre dernier, la présidence du Goethe Institut, basée à Berlin, a annoncé sa décision de fermer plusieurs de ses antennes à travers le monde et en Europe : en Italie, aux Pays-Bas, au Brésil, au Japon et aux Etats-Unis. Mais ces fermetures concernent aussi la France, où trois établissements sont menacés : Lille, Bordeaux et Strasbourg, l'objectif étant d'économiser 24 millions d'euros par an.
Pour parler aujourd'hui de ces fermetures et de leurs conséquences sur la promotion de la culture allemande et sur les relations franco-allemandes, Euradio s’est rendue au Parlement européen pour rencontrer Christophe Grudler, député européen Renew et membre du mouvement démocrate.
Euradio : Christophe Grudler, comment avez-vous réagit à l'annonce de ces fermetures ?
C.G : J'ai évidemment réagi très mal puisque je trouve que le signal est extrêmement mauvais, premièrement par rapport aux citoyens. Surtout à Strasbourg, une ville dans laquelle Goethe lui-même a étudié ! C'est un message vraiment négatif. On voit le délitement des relations entre la France et l'Allemagne sur un certain nombre de dossiers, tout le monde ici au Parlement européen est effaré. Je viens de Belfort, à 30km de la frontière allemande, tous les jours les gens ont l'habitude de passer la frontière, et là personne ne comprend. Je pense qu'aujourd'hui, on aurait plutôt intérêt à relancer le franco-allemand à tous les niveaux, notamment au niveau culturel.
Euradio : Justement, ces fermetures annoncées, qu'est-ce qu'elles signifient au niveau des relations entre nos deux pays ? Parce que nous fêtons tout de même cette année les 60 ans du Traité de l'Elysée, qui enracine l'amitié franco-allemande.
C.G : C'est clairement un mauvais signal ! Des coopérations étaient prévues, notamment à Bordeaux, ou des projets étaient prévus avec les Beaux arts jusque juin 2024. Des projets aussi sur la mobilité professionnelle et académique qui permet d'accueillir les Allemands en France... Tout un tas de projets qui renforcent les liens au quotidien. Et au-delà de ça, en effet, nous venons de fêter les 60 ans du Traité de l'Elysée. J'entends bien qu'il faut faire des économies budgétaires. Il y a la géopolitique, la guerre en Ukraine, et nous devons bien sûr mobiliser de l'argent pour ça. Mais cogner la culture et l'apprentissage des langues, je pense que c'est une erreur très grave. A titre personnel, ici au Parlement européen, le fait que je puisse parler allemand avec les collègues allemands, c'est très important pour instaurer une forme de proximité, malgré cette frontière qui nous sépare. Encore une fois, on a voulu économiser 24 millions d'euros par an, mais je pense qu'il aurait fallu les économiser autrement, parce que les relations franco-allemandes sont vraiment le moteur de la construction européenne.
Euradio : Et est-ce que ces fermetures sont, si on peut dire, symptomatiques d'un fossé qui se serait creuser entre nos deux pays ces derniers mois ou ces dernières années ?
C.G : Quand on part du principe que ces instituts ont pour vocation de renforcer nos relations culturelles, à partir du moment où la décision est prise d'en fermer trois en France, forcément, ces relations culturelles sont diminuées. Et c'est aussi dû au fait que la culture est malheureusement souvent considérée comme la dernière roue du carrosse, bien que pour moi, ça reste le meilleur des liants. Comprendre la culture du voisin, c'est déjà une façon de pouvoir avancer avec lui. Malgré tout, il faut dire que les relations entre la France et l'Allemagne restent assez solides. On le voit avec le nombre de jumelages entre des villes françaises et des villes allemandes, ou le nombre de binationaux sur notre territoire. Mais il faut un support public pour les aider.
Euradio : Donc vous ne diriez pas qu'aujourd'hui, les relations entre la France et l'Allemagne sont fragiles ?
C.G : Elles ne sont pas fragiles mais je pense qu'il faudrait tout de même un signal du gouvernement allemand pour réaffirmer l'importance des relations avec la France. Pour des raisons géopolitiques, il est entendable de vouloir de développer davantage les relations avec Europe de l'Est. Mais pas au détriment de l'essentiel qui est d'alimenter le moteur franco-allemand.
Euradio : Cette amitié franco-allemande est symbolisée, particulièrement cette année, par le Traité de l'Elysée, dont on fête les 60 ans. Après 60 années, que peut-on encore attendre de cette coopération ?
C.G : Je pense que l'enjeu majeur, ce sont les jeunes générations. L'Histoire est bien évidemment lourde entre la France et l'Allemagne, mais aujourd'hui, la nouvelle génération n'a plus forcément ce lien fort avec le voisin allemand. Et une action spécifique, ciblée sur les plus jeunes, avec l'apprentissage de l'allemand par exemple est importante. Je pense aussi à l'Office franco-allemand pour la jeunesse, financé à parts égales par les gouvernement français et allemand. Et peut-être que la faiblesse de l'Institut Goethe, c'est qu'il est justement uniquement financé par le gouvernement allemand. Il aurait pu être bon de discuter, avant de fermer, d'une possibilité de financement partagé, avant d'en arriver à une décision unilatérale de l'Allemagne. Continuons à travailler ensemble, et c'est comme ça que l'on pourra continuer à renforcer l'amitié franco-allemande, la culture franco-allemande, tout ce qui peut faire en sorte que deux peuples voisins soient soudés, pour permettre à l'Europe de porter un message singulier dans le monde.