Une chronique de Christine Le Brun, Experte Smart Cities & Places chez Onepoint, où nous parlerons de villes, d’outils et de technologies numériques, de données, mais aussi des citoyens et de ceux qui font les villes.
Bonjour Christine, aujourd’hui nous continuons à découvrir avec vous ce sujet très riche que sont les jumeaux numériques. Vous nous avez expliqué comment on construit le modèle 3D qui constitue le socle d’un jumeau numérique de ville mais vous avez aussi laissé entendre que ce n’était que le début de l’histoire et qu’un jumeau numérique, c’était bien plus que cela. Que vouliez-vous dire ?
Et bien l’aspect 3D est en effet ce qu’on retient souvent du jumeau numérique parce que c’est le plus intuitif et celui qui parle à tout le monde. Et c’est bien le but, de faciliter la vision et la compréhension grâce au pouvoir immersif de la 3D. Je suis toujours stupéfaite dans mes missions, de la manière dont mes interlocuteurs sont beaucoup plus facilement mobilisés et investis dans les sujets quand on introduit de la 3D dans la démarche. Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Cette représentation 3D est le socle du jumeau numérique, et c’est ce qui sert de référentiel géographique. C’est comme si c’était une coquille, un réceptacle, que l’on va venir enrichir en agrégeant des données sur les différents éléments du modèle 3D.
De quel type de données parle-t-on ?
C’est tout ce qui apporte une information sur ce qu’est la ville, ce qu’elle contient, comment elle vit et comment elle évolue. Pour vous aider à comprendre prenons l’enrichissement des données sur les bâtiments : on peut renseigner leur surface, hauteur, et nombre d’étages ; leur usage, c’est-à-dire est ce que c’est une habitation, une salle de sport, un bâtiment administratif. On peut y ajouter l’année de construction, et quand les derniers travaux ont été effectués ; ou encore le nombre de bureaux, de logements, d’habitants, la consommation électrique, d’eau, s’il y a un sous-sol ou pas, etc Dans la même veine, le jumeau numérique s’enrichit aussi des informations techniques sur chaque élément du mobilier urbain. Il peut contenir un inventaire de la végétation, des informations sur le trafic routier, sur les services, la population, mais aussi sur les évènements, les travaux ou les futurs projets d’aménagement.
Et comment s’y prend on pour collecter toutes ces informations et les intégrer au jumeau numérique ?
Et bien c’est là que cela devient à la fois intéressant et compliqué. Les données peuvent provenir de différentes sources : des services de la ville elle-même, mais aussi des opérateurs, voire même des citoyens. Reprenons l’exemple des bâtiments : les informations sur les surfaces, l’année de construction, la destination du bâtiment, le nombre de logements, tout cela vient des permis de construire. Mais la consommation électrique est une information qui est détenue par le distributeur d’énergie Enedis, la consommation d’eau par un autre concessionnaire, la quantité de déchets produits, encore par un autre. C’est donc un peu un travail de fourmi d’aller voir tous ces interlocuteurs pour tout rassembler au même endroit. D’autant que cela ne concerne pas que les bâtiments, mais aussi les réseaux, la voirie, l’environnement, la démographie, voire l’économie.
Donc, je comprends que l’objectif est de fabriquer une sorte de référentiel, c’est bien cela ? Mais du coup, quelle est la différence avec le SIG dont vous nous avez parlé précédemment ?
Je m’attendais à cette question Laurence. D’un point de vue conceptuel, le jumeau numérique est bien dans le prolongement de la démarche de SIG parce qu’il s’agit de réaliser l’agrégation de données géoréférencées au sein d’un même référentiel. Le but ultime est même de se rapprocher le plus possible d’un avatar de la ville, c’est-à-dire d’un double numérique de celle-ci, qu’on va pouvoir consulter pour observer et mieux comprendre ce qui se passe.
Et c’est là que la 3D aide, n’est-ce pas ?
Oui. Le jumeau numérique est avant tout un outil interactif. Il faut vous imaginer devant une grande maquette, où vous pouvez non seulement vous promener un peu comme dans un jeu video, mais où vous pouvez surtout cliquer sur n’importe quel objet. Et cela, tantôt pour connaitre toutes les informations sur un bâtiment, tantôt la profondeur d’une canalisation, ou l’âge d’un arbre, ou encore pour vérifier que tel ou tel lampadaire est en bon état de fonctionnement, ou combien de vélos sont passés à ce carrefour hier. Tous les sujets sont possibles.
Car on a aussi des données immédiates ? en temps réel ?
Et oui, tous les capteurs disséminés dans la ville, dont nous avons parlé dans les premiers épisodes sur la smart city, sont des objets géoréférencés qui ont leur place dans le jumeau numérique. Ce sont par exemple les caméras, les capteurs méteo, de qualité de l’air, de mesure de trafic. Le jumeau numérique est donc un objet vivant qui peut contenir des données live. Il est aussi vivant au sens où, pour être un vrai avatar, il doit évoluer en même temps que la ville elle-même. Il y a donc un gros travail de maintenance et de mise à jour à effectuer en permanence, pour toujours coller au plus proche de la réalité. C’est ce qui fera sa qualité.
Tout cela me semble prometteur, mais qu’est-ce qu’on fait avec tout ça ?
Alors là Laurence, il y a vraiment beaucoup d’applications, alors je vous propose d’en parler au prochain épisode !
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.